Deloppement durable
DÉVELOPPEMENT DURABLE DE L'AGRICULTURE URBAINE EN AFRIQUE FRANCOPHONE
Enjeux, concepts et méthodes
Introduction |
D’ici 2030, la population mondiale augmentera de 3 milliards d’individus, dont 95 % dans les pays en développement, la production de nourriture devra doubler, et celle des déchets et effluents sera multipliée par quatre dans les villes. Trois milliards de personnes ne disposeront pas d’équipements d’évacuation des eaux usées. Ces tendances et leur impact potentiel, tout comme le défi que pose la gestion de cet impact, seront particulièrement prononcés dans les régions en voie d’urbanisation rapide, comme l’Afrique subsaharienne.
En Afrique de l’Ouest et du Centre en particulier, les villes, petites et moyennes, se multiplient. L’influence des marchés urbains sur les productions rurales s’accentue, les populations sont de plus en plus mobiles et les régimes alimentaires se modifient. De plus en plus de citadins acquièrent un patrimoine foncier rural. Les villes se ruralisent tandis que les campagnes s’urbanisent (Chaléard et Dubresson, 1999). Alors que l’Etat se désengage de l’économie, la pauvreté urbaine s’accroît même si le pouvoir économique des femmes augmente, à la faveur notamment du développement du secteur informel (Coussy et Vallin, 1996).
Divers facteurs poussent les productions agricoles urbaines à accroître leur part dans l’approvisionnement alimentaire des villes de cette région. Depuis une dizaine d’années, l’agriculture urbaine est reconnue comme un enjeu majeur en termes d’approvisionnement des villes, d’emploi et de gestion de l’environnement urbain (Undp, 1996). Cependant, les outils de diagnostic des problèmes de cette agriculture et les moyens d’intervention pour son développement durable font défaut aux chercheurs, décideurs et agents du développement, traditionnellement tournés vers les zones rurales, et aux spécialistes de la gestion urbaine, peu familiers du monde agricole.
En effet, l’agriculture urbaine a des spécificités par rapport à l’agriculture rurale (Mougeot, 2000 ; Moustier et Mbaye, 1999) : nouvelles fonctions, marchandes et non marchandes (coupures vertes, emploi de marginaux urbains, etc.) ; acteurs aux opportunités d’emploi et de capitaux plus variés qu’en milieu rural ; complexité du droit foncier ; sophistication voire artificialisationde certaines pratiques culturales. Le jeu des contraintes et des atouts est complexe. Les risques par rapport à l’environnement et au marché sont nombreux.
Il est donc nécessaire d’articuler différentes disciplines pour caractériser l’agriculture urbaine et lui permettre de mieux répondre aux défis de la société et de l’environnement urbains. Certaines de ces disciplines prennent plus particulièrement en compte les spécificités du milieu urbain : c’est le cas de la géographie, de la sociologie, de la planification urbaine et des sciences du paysage. D’autres éclairent le fonctionnement des exploitations agricoles dans leur environnement : l’agronomie, l’économie ainsi que les sciences de l’environnement.
L’ouvrage a pour objectif de familiariser le lecteur avec les approches et les outils appliqués aux problèmes posés par le développement de l’agriculture urbaine. Il s’inscrit dans une démarche de recherche-développement : améliorer la rigueur scientifique des diagnostics (recherche) et privilégier les interventions concrètes visant à maintenir ou à transformer les systèmes pour répondre à la demande des acteurs concernés à court, moyen et long terme (développement durable).
Il est issu des travaux d’un atelier, qui a été l’occasion à la fois de présentations à caractère didactique et de discussions sur les projets de recherche-développement des participants. Grâce à la diversité des origines des participants et intervenants, l’atelier a permis de développer des échanges de questionnements et d’expériences dans une perspective de réseau.
Les problématiques
de l’agriculture urbaine
L’ouvrage comprend cinq chapitres. Le premier présente des définitions et des concepts sur l’agriculture urbaine et ses dynamiques. Il montre en quoi l’agriculture urbaine pose des questions différentes de l’agriculture rurale. Il expose, en particulier, les spécificités de l’agriculture urbaine, la pluralité des approches qui s’y rapportent, la multiplicité de ses fonctions, ses impacts et ses facteurs de changement. Il met en relation l’intérêt récent de la communauté scientifique pour l’agriculture urbaine avec l’urbanisation en Afrique, le développement des flux entre la ville et l’agriculture, ainsi que les politiques de décentralisation. Il souligne la diversité des définitions de la ville et de l’agriculture urbaine et périurbaine, ainsi que leurs points de convergence, car toutes mettent l’accent sur les interactions entre la ville et l’agriculture. Ces interactions sont caractérisées, en mettant en avant la compétition pour l’accès aux ressources foncières ainsi que les pollutions urbaines et agricoles. Ce chapitre illustre également la prise en compte de différentescatégories et échelles dans des typologies et présente les disciplines qui se sont intéressées à l’agriculture urbaine, notamment, l’économie spatiale et institutionnelle. Enfin, il décrit la diversité des fonctions et des impacts de l’agriculture urbaine, ainsi que les principaux paramètres de son évolution dans le temps, en soulignant la non-linéarité de la dynamique de l’agriculture urbaine.
Deux chapitres sont centrés sur la place de l’agriculture urbaine dans son environnement physique et administratif immédiat : le deuxième, sur la place de l’agriculture dans la planification urbaine, et le cinquième, sur l’utilisation des déchets urbains par l’agriculture urbaine.
Le chapitre 2 démontre que l’agriculture urbaine qui se développe dans plusieurs villes de l’Afrique de l’Ouest et du Centre est confrontée à diverses contraintes, lesquelles limitent son plein essor. Il aborde, dans une première partie, la prise en compte de l’agriculture urbaine par les politiques publiques. Après une réflexion à caractère général sur sa place dans le développement des villes, l’accent est mis sur les conséquences pour l’agriculture urbaine de l’application des textes législatifs et réglementaires édictés en vue d’autres objectifs et des stratégies générales de développement. La deuxième partie du chapitre est consacrée aux méthodes de planification urbaine. Les méthodes participatives peuvent améliorer le développement de l’agriculture urbaine en l’incorporant à la stratégie de développement socio-économique local. Ces méthodes insistent sur l’implication de tous les acteurs du secteur dans l’élaboration des politiques, sur l’identification des problèmes majeurs et leur hiérarchisation, sur le choix de solutions adaptées pour résoudre les problèmes identifiés et sur le partage des responsabilités pour les actions de suivi.
Les troisième et quatrième chapitres se situent au croisement entre une approche horizontale, par espace, et une approche verticale, par filière. Les exploitations urbaines dépendent en effet fortement à la fois de leur environnement physique et administratif urbain et de leur marché, urbain également. Ces deux chapitres considèrent la place de l’agriculture dans le marché des intrants et des produits, pour deux types de production : le maraîchage et l’élevage.
Le chapitre 3 concerne la gestion des filières maraîchères. L’accent y est mis sur les fonctions productives du maraîchage, c’est-à-dire la fourniture de produits alimentaires, d’emploi et de revenus. La question de la durabilité de ces filières résulte des multiples contraintes exercées par le milieu urbain, notamment la contrainte foncière et les pollutions. Etant donnée la diversité des acteurs et des intérêts en jeu, la concertation est la condition essentielle d’une meilleure réponse du maraîchage urbain aux objectifs de revenus et d’alimentation, auxquels ce secteur répond. La forte liaison du maraîchage urbain et la relative spécialisation des activités de production justifient une approche par filière pour répondre à ces problèmes. Des méthodes pratiquesde caractérisation de la consommation et de la commercialisation sont présentées, avec une combinaison d’analyses sociologiques, économiques et géographiques. Un exemple d’amélioration de la commercialisation par la diffusion d’informations sur les marchés est proposé. Une partie du chapitre est consacrée spécifiquement au diagnostic des contraintes et des voies d’amélioration des systèmes de production, en mettant l’accent sur les typologies de systèmes de culture et d’exploitations et sur l’analyse de l’impact des pratiques culturales sur l’environnement.
Le chapitre 4, pour sa part, porte sur les productions animales urbaines et périurbaines. Celles-ci sont le fait de plusieurs types d’exploitation : de très petits élevages, qui ont principalement une vocation d’autoconsommation, de spéculation ponctuelle et, parfois, de maintien d’une tradition ; des élevages plus importants, qui ont une réelle vocation de production destinée prioritairement au marché. Dans tous les cas ces élevages doivent s’insérer dans le contexte urbain. Ils contribuent à l’approvisionnement des villes ainsi qu’à l’emploi et au revenu des familles, mais ils ont également des impacts négatifs sur l’environnement et parfois sur la santé publique. L’insertion dans la ville comporte des avantages liés, par exemple, à la proximité du marché (achat des intrants et accès au marché) mais pose certains problèmes : gestion des nuisances (effluents, bruits et divagation d’animaux), problèmes sanitaires (pour les animaux et pour la santé publique). L’étude des élevages en milieu urbain utilise en partie les outils classiques de l’étude des systèmes d’élevage : typologie, étude technique et économique des filières, etc. Toutefois, le contexte urbain impose de prendre en compte les autres activités agricoles et non agricoles qui entrent en compétition avec l’élevage pour l’occupation de l’espace, l’accès aux ressources et l’emploi de la main-d’œuvre. Tous ces éléments ainsi que le jeu des contraintes de l’environnement urbain agissent sur les caractéristiques des filières et contribuent à expliquer leur évolution. Les perspectives d’amélioration passent par une bonne connaissance des filières et de leurs problèmes spécifiques, qui permet de limiter les inconvénients liés au contexte urbain, notamment l’approvisionnement en aliments et la gestion des nuisances, et d’améliorer les avantages de ces filières, en organisant le marché et en instaurant une gestion de la qualité pour rompre avec la mauvaise réputation des produits urbains. La recherche a un rôle majeur à jouer pour identifier les pratiques d’élevage les mieux adaptées à ce contexte particulier, qui diffèrent des situations traditionnelles rurales ou des modèles étrangers.
Enfin, le chapitre 5 aborde le traitement et la réutilisation des déchets organiques des villes dans l’agriculture urbaine. Les rejets urbains comprennent les déchets solides et les effluents liquides. Les premiers contiennent une forte proportion de matière organique et d’éléments fertilisants nécessaires à l’amélioration de la productivité des sols tropicaux. Les effluents liquides, composés essentiellement d’eau, sont particulièrement intéressants pourl’irrigation des cultures. Toutefois, la présence d’éléments contaminants tels que les métaux lourds et les pathogènes constitue un frein au recyclage direct des effluents liquides dans l’agriculture. Pour les déchets solides, des techniques de traitement telles que la méthanisation et le compostage permettent de disposer d’un coproduit de qualité : le compost. Pour les effluents liquides, il existe des techniques de collecte et de traitement adaptées, telles que le réseau à petit diamètre et le lagunage. Le recyclage agricole des rejets urbains ne sera envisageable à grande échelle que si, à l’échelon gouvernemental, des décisions politiques sont prises pour éduquer et impliquer les populations, mais aussi pour sensibiliser les services publics aux nouvelles relations possibles entre la ville et l’activité agricole.
Quelques tendances et questionnements
Quelques tendances de l’agriculture urbaine se dégagent de ces différents chapitres, de même que des questions ouvertes pour la recherche dans ce domaine.
Un secteur très dynamique
L’agriculture urbaine dans la région se modernise et s’intensifie ; elle jouit d’un accès meilleur et plus diversifié aux intrants et attire toujours de nouveaux acteurs, dans un milieu pourtant soumis à de multiples contraintes (légales, foncières, sanitaires, financières, techniques, organisationnelles).
Face aux contraintes et aux atouts liés à la croissance urbaine, notamment le manque de protection et l’ambiguïté des droits fonciers, l’agriculture urbaine cherche à s’adapter en repoussant constamment les frontières du techniquement possible. Ainsi, les cycles de production sont parfois raccourcis, l’utilisation d’intrants et les rendements augmentent, l’élevage et l’horticulture se combinent, le disponible fourrager s’améliore. La recherche doit également s’adapter, par exemple en renforçant les services de diagnostic et de surveillance épidémiologique, surtout pour le petit élevage, l’adéquation de l’habitat urbain aux fonctions d’élevage et la diffusion de systèmes de culture hors sol.
Une agriculture aux multiples risques sanitaires
Le développement en quantité et la diversité des rejets urbains avaient fait abandonner les processus de valorisation au profit d’une élimination simple et rapide (les décharges). Cette approche représente maintenant des coûts environnementaux difficiles à prendre en charge par la collectivité. Il fautarticuler à nouveau la gestion des déchets organiques à l’agriculture intra et périurbaine, mais les risques sanitaires doivent être bien gérés. Le coût élevé du transport par rapport à la valeur marchande des coproduits du traitement oblige à revoir l’organisation spatiale des activités génératrices et consommatrices de rejets, impliquant forcément le recours à une stratégie diversifiée de réutilisation des rejets organiques à différentes échelles.
En termes d’environnement, une interrogation demeure sur l’impact de l’agriculture urbaine sur l’approvisionnement d’autres secteurs en eau potable (via le prélèvement ou la contamination). Ses productions et ses systèmes se redéfinissent-ils dans le temps et l’espace en fonction de la disponibilité des ressources en eau fraîche dans les villes de la région? Partout et de plus en plus l’agriculture urbaine est irriguée avec des eaux usées, le plus souvent non traitées : dans quelle mesure cette agriculture peut-elle accroître l’approvisionnement des villes en aliments sains tout en prolongeant la vie utile des eaux déjà utilisées par les activités urbaines à d’autres fins?
Peu d’attention est portée aux pollutions et aux prédations de l’agriculture sur le milieu urbain mais beaucoup aux pollutions engendrées par les activités non agricoles qui affectent les activités agricoles ou ses produits. Par exemple, la qualité de l’eau épandue conditionne le choix de la spéculation tout comme la qualité sanitaire requise de la spéculation conditionne le choix du traitement exigé de l’eau usée pour son irrigation. Les boues peuvent provoquer le colmatage physique par des matières en suspension, le colmatage biologique par le développement végétatif d’algues, le colmatage chimique par défloculation des argiles par le sodium échangeable. Les eaux usées et excréta posent des problèmes sanitaires : concentration d’agents pathogènes, maladies diarrhéiques et parasites intestinaux. La faible biodégradabilité et le pouvoir de concentration des polychlorobiphényles (PCB) dans certains tissus végétaux restreignent leur utilisation. La présence de matières organiques et minérales, de métaux lourds et d’organismes pathogènes impose des précautions ou des traitements : séparation physique ou traitement primaire (séparation des éléments solides de la phase liquide) par décantation ou flottation, transformations biologiques secondaires, corrections chimiques ou désinfection tertiaire. Les sous-produits sont les boues, qui elles-mêmes subissent des traitements préalables à leur évacuation finale (épaississement, déshydratation) pour éviter leur putréfaction et réduire leur volume.
A Dakar, on a démontré qu’il est possible de réaliser un assainissement avec la réutilisation des eaux domestiques traitées dans l’agriculture urbaine et de revaloriser des espaces avec des techniques efficaces et adaptées. Cet assainissement peut être couplé à des productions agricoles, qui fournissent un fonds de roulement pour agrandir le réseau d’assainissement. Il est aussi possible de déléguer le pouvoir de services publics urbains aux organisations et microentreprises pour cet assainissement. Les principaux problèmes résidentdans l’entretien et l’amortissement du réseau, le recouvrement des dettes et la rentabilité des microentreprises.
L’ouvrage consacre peu de place aux zoonoses résultant d’interactions entre l’environnement contaminé (sol, air et eau) et les animaux ou les hommes, entre les animaux, les hommes infectés et l’environnement, entre les animaux infectés et les animaux non infectés. Certaines situations — espèces, systèmes de production, produits animaux et groupes de personnes, conditions de travail et manipulation des produits — sont plus propices à la transmission de zoonoses que d’autres.
Dans tous les cas, l’analyse du risque attribuable et du risque relatif doit occuper une plus grande place dans l’évaluation des dangers qu’entraînent certaines pratiques agricoles urbaines pour la santé publique ou dans l’appréciation des risques que l’environnement urbain fait courir à la qualité des produits agricoles.
La perception qu’ont les communautés agricoles et non agricoles des pratiques agricoles urbaines varie grandement d’un endroit à l’autre et dans le temps. La préférence pour certaines spéculations, l’acceptabilité de certains systèmes de production, le seuil de tolérance des habitants face à certains impacts environnementaux, les processus de résolution de conflits, la réglementation elle-même sont grandement influencés par l’appartenance culturelle des exploitants, de leur voisinage, de la ville ou du pays en général. C’est une dimension importante, mais sur laquelle il existe encore trop peu d’études spécifiques.
Des questions à approfondir en sciences sociales
L’application de l’économie spatiale à l’analyse des différents systèmes agricoles urbains reste à approfondir.
Sur le plan macroéconomique, il y a encore peu d’études sur l’impact des politiques économiques nationales ou sous-régionales sur la compétitivité des produits en milieu urbain : certaines politiques peuvent affecter l’importation d’intrants en même temps qu’elles favorisent l’exportation de produits. Par exemple, l’élevage urbain, en général plus intensif qu’en milieu rural, peut être fortement dépendant d’aliments importés (son principal coût d’exploitation). En général, on ignore la nature des taxes sur les produits exportés et des droits de douane sur les intrants importés, ainsi que leurs impacts sur le développement des filières.
Sur le plan local, quel est le poids de facteurs au coût d’opportunité proche de zéro — par exemple les terres marécageuses utilisées en maraîchage — dans le développement, la rentabilité et la durabilité de certaines pratiques agricoles urbaines, sachant que dans des économies de marché imparfaitesles relations entre les acteurs conditionnent de façon critique l’accès aux ressources, aux intrants et aux débouchés? Sur le plan des bénéfices, y a-t-il des externalités autres que purement économiques qui puissent expliquer qu’une agriculture urbaine, à l’origine fortement stimulée par une situation de crise, ne se résorbe pas, ou beaucoup moins que prévu, une fois cette crise passée?
Sur le plan microéconomique, des productions agricoles urbaines spécifiques acquièrent leur rationalité lorsqu’elles sont replacées au sein de stratégies économiques antirisque, en combinaison avec d’autres systèmes, ou dans le cadre de la gestion de la fertilité (utilisation des déchets d’élevage dans les jardins), des calendriers de travail (vivrier-maraîchage à Bangui), de la trésorerie (maraîchage-maraîchage à Bissau), des complémentarités entre productions rurales et urbaines (Congo) et de la vente d’autres produits. L’utilité de ces productions au sein des stratégies économiques des ménages doit être mieux appréciée.
En milieu urbain, on invoque la méfiance croissante des consommateurs citadins à l’égard de produits alimentaires d’origine lointaine et l’avantage que peuvent en tirer les productions urbaines, proches de leur marché. Mais la contribution de l’agriculture urbaine à des systèmes d’approvisionnement alimentaire urbain qui soient qualitativement plus sûrs reste à démontrer : est-ce que les productions urbaines, en principe mieux gérables, sont moins risquées, vu le nombre moindre d’intermédiaires entre le producteur et le consommateur? Ou le seraient-elles plus, étant donné les plus hauts niveaux de pollution possibles par les intrants chimiques et organiques généralement disponibles et abordables dans les villes? Même si les produits urbains affichaient une qualité supérieure, cet avantage ne risquerait-il pas d’être largement annulé par l’effet de sources de pollution en aval (mise en marché des légumes, du lait)?
Pour comprendre la rationalité des pratiques agricoles urbaines, il est indispensable de mieux prendre en compte son économie institutionnelle et sa gouvernance, laquelle est essentielle pour que les interventions sur ses principales contraintes soient durables. Les chapitres sur les systèmes de production et le recyclage des déchets mettent en évidence l’importance des relations entre acteurs, principalement entre propriétaires fonciers, exploitants et commerçants, et entre les exploitants eux-mêmes. Sur le plan de la distribution des pouvoirs de négociation entre les acteurs dans la formation des prix, les producteurs urbains semblent avantagés par rapport aux ruraux : dans les filières maraîchères en tout cas, la distribution du capital stockage est moins critique et celle du capital transport est plus équilibrée dans le cas de l’agriculture urbaine. La distribution de l’information sur l’offre et la demande y est aussi plus équilibrée, ce qui avantage les exploitants urbains par rapport aux ruraux.Ces relations donnent lieu à des situations de collaboration, de concurrence ou de conflit. Les liens interpersonnels de fidélisation et de confiance mutuelle semblent capitaux et se concrétisent par des contrats, une intégration verticale, des associations, des règles. On ne connaît pas encore assez bien les modalités de mise en relation entre les acteurs de l’agriculture urbaine, lesquelles sont pourtant cruciales pour la reconnaissance, sinon la protection, de l’activité par les institutions publiques. Mais s’il est vrai que dans plusieurs cas les exploitants ont ressenti le besoin de s’organiser pour pallier les multiples contraintes (petites surfaces, vols, déguerpissement, nuisances, problèmes d’évacuation des déchets) et pour accroître les bénéfices liés à l’écoulement des produits, à la transformation agroalimentaire, à l’accès aux intrants et au recyclage des déchets, il y a très peu d’informations sur ces organisations, leur genèse et leur efficacité (par exemple, les mutuelles d’épargne). Y a-t-il, parmi les petits exploitants, des systèmes plus propices à l’organisation que d’autres? Est-ce que le groupement spatial des exploitants est une condition préalable à la création d’une organisation? Pourquoi dans certaines villes, comme Dakar, l’approvisionnement en intrants est-il facilité par des sociétés et un réseau de revendeurs spécialisés et pas ailleurs?
Les problèmes de durabilité économique et écologique
La durabilité économique et écologique des systèmes agricoles urbains est une préoccupation que l’on retrouve dans tous les chapitres. Plutôt qu’une pérennisation ou une reproduction sur place de systèmes spécifiques, en milieu urbain l’agriculture doit se doter de moyens pour s’ajuster au fil de la dynamique urbaine. Il lui faut constamment redéfinir les stratégies de production en fonction des valeurs ajoutées et des avantages comparatifs des spéculations et des sites de production choisis. Sur le plan écologique, on constate une réduction de la jachère, imposée par une pression foncière toujours plus forte (maraîchage dans la Grande Niaye de Pikine). Ce phénomène, s’il n’est pas compensé, mine la qualité des sols. La réduction des rotations culturales peut rendre inefficace la protection phytosanitaire et ce, malgré des traitements chimiques abondants. Est-ce que la durabilité écologique de l’agriculture urbaine passe obligatoirement par une agriculture plus biologique? Si c’est le cas, est-ce que cette approche rend incontournable une gestion plus intégrée des déchets urbains?
La durabilité économique et la durabilité écologique des systèmes agricoles urbains sont intimement liées l’une à l’autre et semblent devoir s’appuyer sur la diffusion de solutions techniques reproductibles (nouvelles variétés permettant de réduire l’effet de saisonnalité, meilleure gestion des ressources en eau disponibles) et de formes de coordination et de concertation (services d’appui et de conseil, formation, recherches d’accompagnement et obser-vatoire économique pour le maraîchage et l’élevage, voir les chapitres 3 et 4). Pourtant, on connaît toujours très peu les performances technico-économiques des exploitations à vocation maraîchère. De nouveaux systèmes d’intensification, des outils d’aide à la décision (avec un souci multidisciplinaire), un meilleur partage de connaissances et des compétences via des organisations régionales sont aussi nécessaires.
Des dispositifs institutionnels encore trop rigides
La multiplicité de ses systèmes et de ses produits permet à l’agriculture urbaine de s’acquitter, en principe, de diverses fonctions au sein de la ville. Toutefois, on retrouvera dans une ville donnée quelques-uns de ces systèmes, chacun remplissant tant bien que mal et de façon isolée l’une ou l’autre de ces fonctions. Moins nombreuses sont les villes qui délibérément stimulent la fonctionnalité de systèmes agricoles urbains spécifiques. Et encore plus rares sont celles qui, maîtrisant pleinement la multifonctionnalité de l’agriculture urbaine, promeuvent une multitude de systèmes et de combinaisons de systèmes afin de gérer de façon plus efficace et sans risque l’ensemble des ressources et des flux de leur environnement et de leur économie locale. Il est nécessaire de faire prévaloir les diverses fonctions de l’agriculture urbaine et sa contribution à des objectifs politiques pour inciter les gestionnaires à protéger l’agriculture urbaine et à accompagner ses spécificités par des mesures financières et réglementaires.
Un survol des dispositifs institutionnels en vigueur dans la plupart des pays de la région suggère que les réglementations héritées sont souvent mal adaptées au contexte local. Mais une analyse critique des politiques publiques et de leur effet sur l’agriculture urbaine reste à faire. Les politiques publiques peuvent s’exercer dans les domaines suivants : santé publique, agriculture, habitat, environnement et assainissement, industrie agroalimentaire, infrastructures et mise en marché, politique sociale, fiscalité locale, voirie et travaux communaux. Par exemple, l’analyse épidémiologique a permis de spécifier des facteurs de risque (helminthes) liés à l’utilisation des eaux usées, non détectés jusqu’à récemment par les analyses microbiologiques mais persistants malgré les traitements habituels, et donc de préciser les groupes exposés aux risques d’infection, de réviser les normes et les mesures de protection sanitaire applicables, en plus du traitement des eaux au sein d’une approche plus intégrée.
La révision de ces dispositifs institutionnels doit compter avec l’implication d’expertises traditionnellement non associées à l’élaboration de ces dispositifs. Par exemple, dans le cas de réglementations ou de normalisations portant sur certaines productions agricoles en milieu urbain, les arrêtés sur la possession d’animaux d’élevage en concession sont trop souvent de nature prohibitive et générique ; ils ne spécifient pas le nombre ou l’espèce, lesquelspourraient varier selon la culture locale, la densité de l’habitat dans l’un ou l’autre secteur de la ville, le zonage prédominant, les espaces disponibles en concession et les conditions d’exploitation. Les spécialistes de l’agriculture et ceux de la ville doivent travailler avec les municipalités pour élaborer des réglementations mieux raisonnées techniquement, plus acceptables culturellement et plus opérationnelles. Autre exemple, la mise en marché des produits de l’agriculture urbaine est moins concentrée dans l’espace urbain : le repérage des flux de ses produits et les spécificités des marchés (taille, fréquence, spécialisation) pourraient induire un aménagement du territoire plus réceptif à l’intégration de l’agriculture urbaine au système d’approvisionnement alimentaire urbain. Une cartographie spatiale et temporelle des échanges de rejets organiques et leur emploi dans les productions agricoles urbaines permettraient également de réutiliser plus efficacement ces rejets dans l’agriculture urbaine et de mieux intégrer l’agriculture urbaine à l’écologie de la ville.
Chapitre 1 - Les dynamiques de l’agriculture urbaine : caractérisation et évaluationCe chapitre vise à préparer le lecteur à la pluralité des définitions et des approches de l’agriculture urbaine. Il s’attache également à souligner la complexité des dynamiques de l’agriculture urbaine et à montrer comment les différents chapitres de l’ouvrage correspondent aux questionnements de l’agriculture urbaine. Il analyse en particulier la nature des liens entre la ville et l’agriculture et les problèmes de recherche qu’ils posent, puisque ces liens sont au cœur de l’identité des agricultures dites urbaines.
Il présente le contexte de l’urbanisation en Afrique à partir de l’analyse de deux textes de synthèse, la diversité des définitions de l’agriculture urbaine, les interactions de la ville et de l’agriculture ainsi que les atouts et les contraintes qu’elles génèrent. Il traite également de l’intérêt des typologies de systèmes de production agricoles urbains, des concepts et des disciplines qui apportent des éclairages théoriques sur les questions posées par l’agriculture urbaine, des fonctions et des impacts de l’agriculture urbaine. Enfin, il expose les principaux critères d’analyse de la dynamique de l’agriculture urbaine, illustrés par des études de cas dans différents pays africains.
Le contexte de l’urbanisation en Afrique
L’intérêt pour l’agriculture urbaine s’est accru au cours des dix dernières années. Deux phénomènes expliquent en partie cette situation : la rapidité de la croissance urbaine, d’une part, le renouvellement des politiques publiques, d’autre part. Le taux d’accroissement urbain de l’Afrique se situe à 4 % par an depuis 1960, il est supérieur à celui de l’Amérique latine ou de l’Asie (Undp, 1996). Nous nous appuyons sur deux textes de synthèse pour expliciter ces évolutions (Pélissier, 2000 ; De Lattre, 1994).
Les tendances de l’urbanisation
en Afrique de l’Ouest et du Centre
Selon Pélissier (2000) et De Lattre (1994), l’urbanisation en Afrique de l’Ouest et du Centre se caractérise :
– par un taux d’urbanisation variable selon les pays ;
– par une croissance urbaine moins forte depuis 1990 que pendant la période 1960-1990, mais qui affiche des tendances à la reprise ;
– par la multiplication des villes petites et moyennes, alors que le poids des grandes villes dans la population reste stationnaire ;
– par le développement du secteur informel par manque de qualification professionnelle ;
– par la ruralisation des villes.
Les interactions entre monde urbain
et monde rural
Le monde urbain et le monde rural interagissent. Ainsi, les villes exercent une influence sur les campagnes en favorisant l’émergence de secteurs vivriers, maraîchers et fruitiers marchands, en stimulant la mobilité des personnes et des produits, en diffusant leur mode d’alimentation vers les campagnes, en acquérant une partie du patrimoine foncier rural.
Réciproquement, les campagnes influencent les villes. Les habitudes alimentaires rurales se retrouvent en ville : ces dernières années, les régimes alimentaires urbains ont tendance à s’africaniser, les consommateurs recherchant la typicité des produits villageois. Les structures d’autorité villageoises sont reproduites dans certaines composantes de la vie de quartier des villes. Les ruraux investissent dans l’immobilier urbain (c’est le cas des ressortissants de la région de l’ouest à Douala, au Cameroun).
Compte tenu de ces observations, Pélissier (2000) prévoit, dans les dix prochaines années, une intégration toujours plus forte des lois du marché dans les agricultures rurales (commercialisation, intensification), l’urbanisation des campagnes (augmentation du nombre de villes dans toutes les régions) et la ruralisation des villes (développement de l’agriculture urbaine).
Les politiques de décentralisation
et d’aménagement du territoire
Par les politiques de décentralisation, encouragées par de nombreux bailleurs de fonds, les populations se trouvent responsabilisées dans la gestion des ressources de leurs terroirs. Ces évolutions conduiraient à la super-position de pouvoirs entre gestionnaires étatiques, contribuables et élus locaux. Elles renforceraient le pouvoir foncier des citadins à fort pouvoir d’achat et le développement du bâti au détriment de l’espace agricole urbain. Elles favoriseraient l’accès à l’eau, aux intrants, au crédit et au transport des populations rurales. L’un des problèmes des politiques d’aménagement réside dans le décalage entre les prévisions et l’évolution démographique des villes.
Les définitions de l’agriculture urbaine
Les problèmes de définition
de l’espace urbain et périurbain
Comme l’écrit Snrech (1997), la ville est un concept flou, ce qui complique la définition de l’agriculture urbaine, puisque celle-ci est définie par rapport à la ville. On distingue des définitions statistiques de la ville, c’est-à-dire celles qui sont utilisées dans les recueils de données statistiques, des définitions analytiques, celles qui s’appuient sur l’analyse des spécificités du milieu urbain, et des définitions géographiques, fondées sur l’utilisation de l’espace. Les définitions statistiques elles-mêmes sont extrêmement diverses selon les pays. Elles prennent en compte des critères démographiques, complétés parfois par des critères administratifs et économiques (tableau 1).
Tableau 1. Définitions statistiques de la population urbaine dans différents pays africains, d’après Un (1995).
Il existe d’autres critères de définition : la permanence d’activités de service liées à l’exercice du pouvoir politique (De Maximy, 1988) ; le niveau d’équipement social (écoles, hôpitaux, casernes, etc.) ; le degré de monétarisation des échanges — pour l’historien Fernand Braudel (1980), la ville est le lieu de l’élaboration monétaire —, les dépenses par tête sont deux fois plus élevées en ville qu’en milieu rural (Cour, 1990) ; le degré de disparité des revenus, dû à des sources de revenus plus diversifiées qu’en milieu rural (Cour, 1990).
Comme l’indique Tricaud (1996), les définitions géographiques considèrent la ville physique, c’est-à-dire l’agglomération, telle qu’elle peut être repérée à partir de l’observation visuelle, de la photographie aérienne ou de l’image satellitaire. Tricaud définit l’espace urbain, au sens strict, comme l’ensemble des parcelles bâties ou revêtues, c’est-à-dire les parcelles portant des bâtiments ou majoritairement couvertes d’un revêtement empêchant la végétation (dallage, ciment) ou de sol majoritairement tassé pour assurer la circulation (cour, marché). Ces parcelles sont ainsi définies par leur absence de végétation et leur imperméabilité. On définit la ville, ou l’agglomération, au sens le plus étroit, comme un espace urbain de surface ou de population supérieure à un seuil donné. L’Onu (Organisation des nations unies), la base de données Géopolis et l’Insee (Institut national des statistiques et études économiques) recommandent de considérer comme agglomérées des constructions éloignées de moins de 200 m, en Europe, ou de moins de 500 m, en Amérique latine. L’Iaurif (Institut d’aménagement et d’urbanisme de la région Ile-de-France) distingue trois catégories d’usage du sol : rural, urbain construit (bâti ou revêtu), urbain ouvert (parcs et jardins, terrains de sport, cimetières).
Mais les villes, si denses soient-elles, ne sont pas des continuums d’espaces bâtis contigus. L’enveloppe urbaine, ou périmètre urbain, englobe un certain nombre d’espaces urbains extérieurs et d’espaces non urbains intérieurs.
A mesure que l’on s’éloigne du centre, certains caractères distinctifs de la ville et de la campagne suivent un gradient croissant ou décroissant : densité des espaces bâtis et revêtus ; caractère monétaire des productions ; pression foncière. Ce gradient permet d’identifier des espaces urbain, rural ou périurbain, sans tracer leurs limites précises (Tricaud, 1996).
Agriculture périurbaine, intra-urbaine, urbaine
Les agricultures urbaine, intra-urbaine et périurbaine font l’objet de définitions multiples dans la littérature. Nous nous proposons ici de réaliser une analyse critique de neuf de ces définitions selon les variables suivantes : les principaux critères de caractérisation ; la mise en évidence de spécificités par rapport à l’agriculture rurale ; le caractère opérationnel ; la distinction entre agriculture urbaine, intra-urbaine et périurbaine.
1. Urban agriculture is an industry that produces, processes, and markets food and fuel, largely in response to the daily demand of consumers within a town, city or metropolis, on land and water dispersed throughout the urban and peri-urban area, applying intensive production methods, using and reusing natural resources and urban wastes, to yield a diversity of crops and livestock (Undp, 1996).
2. Urban agriculture is an industry located within (intra-urban) or on the fringe (peri-urban) of a town, an urban centre, a city or a metropolis, which grows or raises, processes and distributes a diversity of food and non-food products, (re-)using mainly human and material resources, products and services found in and around the urban area, and in turn supplying human and material resources, products and services largely to that urban area (Mougeot, 2000).
3. While there is not yet a universally agreed-upon definition, urban and peri-urban agriculture—referred to jointly in this paper as UPA, except in the cases where a clear distinction must be made—is perceived as agricultural practices within and around cities which compete for resources (land, water, energy, labor) that could also serve other purposes to satisfy the requirements of the urban population. Important sectors of UPA include horticulture, livestock and milk production, aquaculture, and forestry (Fao, 1999).
4. Urban agriculture is defined as agriculture that occurs in or on the perimeters of cities, for market purposes. As such, it contains the elements of both urban and peri-urban agriculture (Ipc, 1999).
5. L’agriculture périurbaine, au strict sens étymologique, est celle qui se trouve à la périphérie de la ville, quelle que soit la nature de ses systèmes de production. Avec la ville, cette agriculture peut soit n’avoir que des rapports de mitoyenneté, soit entretenir des rapports fonctionnels réciproques. Dans ce dernier cas, elle devient urbaine et c’est ensemble qu’espaces cultivés et espaces bâtis participent au processus d’urbanisation et forment le territoire de la ville (Fleury et Donadieu, 1997).
6. L’agriculture périurbaine — correspondant à l’agriculture urbaine selon la terminologie anglo-saxonne — est considérée comme l’agriculture localisée dans la ville et à sa périphérie, dont les produits sont destinés à la villeet pour laquelle il existe une alternative entre usage agricole et urbain non agricole des ressources ; l’alternative ouvre sur des concurrences, mais également sur des complémentarités entre ces usages :
– foncier bâti et foncier agricole ;
– eau destinée aux besoins des villes et eau d’irrigation ;
– travail non agricole et travail agricole ;
– déchets ménagers et industriels et intrants agricoles ;
– coexistence en ville d’une multiplicité de savoir-faire dus à des migrations, cohabitation d’activités agricoles et urbaines génératrices d’externalités négatives (vols, nuisances) et positives (espaces verts) (Moustier et Mbaye, 1999).
7. Urban agriculture is farming and related activities that take place within the purview of urban authorities . . .[where urban authorities are] the panoply of laws and regulations regarding land use and tenurial rights, use of water, the environment, etc., that have been established and are operated by urban and municipal authorities. Urban agriculture takes place within certain boundaries which may extend quite far from an urban centre, while peri-urban agriculture takes place beyond that often geographically precise boundary, although its own outer boundary may be less well defined (Aldington, 1997).
8. Urban agriculture refers to farming or livestock keeping within the municipal boundaries. Peri-urban agriculture refers to the same activities in the area immediately surrounding the city in areas where the presence of the city has an impact on land values, land use, property rights, and where proximity to the urban market and urban demand drive changes in agricultural production (Maxwell et Armar-Klemesu, 1998).
9. Urban agriculture is understood as agricultural activities undertaken within the urban area or its surroundings, by people living within the city’s administrative boundaries (Lourenco-Lindell, 1995).
Ces définitions peuvent être classées selon différents critères.
• La définition n. 4, qui définit l’agriculture urbaine ou périurbaine principalement par rapport au marché urbain, a l’avantage de la simplicité mais elle manque de spécificité par rapport à l’agriculture rurale. Si la localisation est spécifiée (à l’intérieur de la ville ou à sa périphérie), cette indication est peu précise.
• La définition n. 1 définit l’agriculture urbaine ou périurbaine de manière précise et opérationnelle, par rapport à l’intensification des systèmes de production et à l’utilisation des déchets urbains. Cependant, cette définition est restrictive, car certaines formes de production urbaine sont extensives, et certaines exploitations n’utilisent que des fertilisants chimiques et pas de déchets urbains.• Les définitions n. 2, 5 et 6, qui définissent l’agriculture urbaine ou périurbaine par rapport aux flux de ressources et de produits entre l’agriculture et la ville, ces flux créant des concurrences et des complémentarités entre usages agricoles et non agricoles, apparaissent comme les plus pertinentes : elles font bien ressortir la spécificité de l’agriculture urbaine.
• Les définitions n. 7, 8 et 9, qui définissent l’agriculture urbaine principalement en fonction des limites administratives de la ville, sont les plus opérationnelles, mais elles sont peu analytiques et elles excluent des zones très proches de la ville mais appartenant à des juridictions différentes de la municipalité, qui peuvent être beaucoup plus influencées par l’expansion de la ville que certaines zones urbaines.
Quant à la distinction entre agriculture intra-urbaine, périurbaine, urbaine, elle diffère selon les auteurs. La définition n. 2 considère l’agriculture urbaine comme englobant l’agriculture intra et périurbaine. La définition n. 6 considère l’agriculture périurbaine comme englobant l’agriculture intra et périurbaine au sens strict et comme synonyme de l’agriculture urbaine. La définition n. 8 considère l’agriculture urbaine comme synonyme d’agriculture intra-urbaine. La définition n. 5 fait une différence entre agricultures urbaine et périurbaine selon la présence ou l’absence de rapports fonctionnels entre ville et agriculture. Les autres définitions ne suggèrent pas de différences entre les trois termes.
Dans certaines définitions, le type d’activités englobées sous le vocable d’agriculture est précisé : activités de production, commerce, transformation ; productions végétales et animales, alimentaires et non alimentaires (n. 1, 2, 3 et 8).
Les interactions entre la ville et l’agriculture, en termes de flux de ressources et de produits, sont au cœur de l’identité de l’agriculture urbaine (terme que nous employons ici pour désigner à la fois l’agriculture intra et périurbaine). La suite du chapitre se propose de caractériser ces interactions et leurs conséquences en termes d’atouts et de contraintes pour l’agriculture urbaine.
Les interactions de la ville
et de l’agriculture
Les spécificités de la contrainte foncière
Alors qu’en milieu rural le mode prédominant d’accès au foncier demeure un droit d’usage gratuit, inhérent à l’appartenance à une communauté détentrice d’un terroir, les modes marchands d’accès au foncier se développent en milieu urbain et périurbain, bien qu’ils ne se substituent jamais totalementaux modes traditionnels de type lignager (sur l’accès au foncier en Afrique, voir Verdier et Rochegude, 1986). En milieu urbain et périurbain, la terre devient un enjeu monétaire, en premier lieu parce qu’elle peut porter des bâtiments ou des équipements lucratifs. En milieu urbain, l’achat d’une parcelle pour la construction de logements qui seront loués est généralement plus rentable que l’exploitation du même terrain à des fins agricoles. Le coût du terrain est ainsi dissocié de la rentabilité de l’activité agricole.
Des exemples de monétarisation des terres sont donnés par Swindell (1988) : « In 1967-1968, Goddard et al. (1971) found that 19 and 29% of land had been acquired by purchase in the periphery of Sokoto. Near Kano, Hill (1977) estimated that 44 per cent of the land of rich farmers had been purchased ». A Brazzaville, en 1986, une parcelle de 400 m2 valait 200 000 à 300 000 FCfa dans le quartier de Madibou, en 1988, la même parcelle valait entre 400 000 et 500 000 FCfa (Moustier, 1995).
La concurrence pour le foncier entre usages agricoles et non agricoles affecte tous les types de terrain, car même les terrains marécageux peuvent être drainés en vue d’être construits, et la bonne terre agricole peut avoir favorisé le développement d’infrastructures de desserte, qui attirent l’immobilier (Moustier et Pagès, 1997).
Le retrait des usages agricoles du périurbain au bénéfice de la construction est favorisé par des politiques foncières ambiguës de la part des autorités. Une cohabitation tendue entre droits coutumiers et droits constitutionnels aggrave la précarité de la propriété foncière agricole. Les modes d’accès au foncier agricole sont variés : installation par le gouvernement, paiement d’une somme forfaitaire ou d’un loyer à un propriétaire coutumier ou combinaison de ces formes, voire installation sans aucune procédure préalable. Dans tous les cas, aucune procédure ne protège de l’expulsion. L’expulsion peut avoir lieu après qu’une offre intéressante a été faite au propriétaire coutumier par un citadin qui veut bâtir sur le terrain, ou si les autorités municipales souhaitent aménager le terrain, par exemple y construire une route. Une compensation peut être accordée à l’agriculteur, mais rarement au prix du marché (Swindell, 1988). D’ailleurs, les agriculteurs peuvent contribuer eux-mêmes au processus en faisant construire sur leurs propres terrains, c’est l’exemple de Kinshasa (Richard et al., 1985). Le manque de protection du foncier et l’ambiguïté des droits fonciers conduisent les autorités à marginaliser les activités de production agricole. L’absence de données sur cette agriculture, son caractère informel, parfois saisonnier, et la séparation des fonctions relevant de l’urbanisme et de l’agriculture au sein de l’administration sont autant de facteurs qui contribuent à brouiller la perception de ce secteur. Même en Zambie, où le Président Kauda déclarait en 1972 que les « 450 000 citadins de Lusaka devaient faire pousser leurs propres légumes et céréales », les agriculteurs urbains cultivent sur des terrains sur lesquels ils n’ont pas de maîtrise foncière légalement reconnue (Jaeger et Huckabay,1984). D’autres motifs sont également évoqués pour justifier des mesures parfois extrêmes. C’est le cas de Bafoussam, dans l’ouest du Cameroun, où, sous prétexte d’hygiène, le maire a fait couper le maïs et saisir tous les animaux domestiques (Cta, 1991 ; Moustier et Pagès, 1997).
La précarité des activités agricoles
L’ambiguïté du droit foncier en milieu urbain entraîne la précarité des activités agricoles. D’après Van Den Berg (1984), la conversion de la terre agricole en terre urbaine en périphérie des villes africaines est irrémédiable et procède par étapes : à l’agriculture rurale, de rente ou d’autoconsommation, succèdent différents types de maraîchage ; le maraîchage est suivi de la « jachère
Bilan de la mise en œuvre de l'Agenda 21 depuis Rio 1992 : Rapport de synthèse de la Côte D'Ivoire
Situation : Entre 4°30 et 10°30 de latitude Nord et 8°30 de longitude Ouest. La Cote d'Ivoire est un pays de l'Afrique de l'Ouest, de climat tropical et sub-équatorial au Sud et sub-soudanien au Nord. La Côte d'Ivoire fait frontière avec le Libéria, la Guinée, le Mali, le Burkina Faso, le Ghana.
Superficie : 322 463 km²
Population : 15,8 Millions d'habitants
Taux d'accroissement : 3.2%
Taux de croissance de la population urbaine : 5,8 % par an
Population urbaine : 6 Millions
Taux de croissance du PIB : -2,4 % en 2000 ; -0,9 % en 2001
CONVENTIONS INTERNATIONALES, TRAITÉS ET PROTOCOLES SIGNÉS ET/OU RATIFIÉS PAR LA COTE D'IVOIRE
La Côte d'Ivoire a ratifié les principales conventions internationales en matière de protection de l'environnement et des ressources naturelles. On notera en particulier :
- La convention de Ramsar du 02 Février 1971 relative aux zones humides ;
- Convention de Washington / CITES du 03 Mars 1973 sur le commerce international des espèces sauvages ;
- Convention Cadre sur le Changement climatique du 02 Mai 1992 ;
- Convention sur la diversité biologique du 05 Juin 1992 ;
- Convention de Paris du 17 Juin 1994 sur la Désertification (Janvier 1997) ;
- Convention de Vienne du 23 Mars 1985 pour la protection de la couche d'ozone ;
- Protocole de Montréal relatif à des subsatances appauvrissant la couche d'ozone du 16 Septembre 1987 ;
- Amendement au protocole de Montréal relatif aux substances qui appauvrissent la couche d'ozone du 29 Juin 1990 ;
- Convention de Bale du 22 Mars 1989 sur le controle des mouvements transfrontières des déchets dangereux et de leur élimination.
SOCIAL
L'objectif principal de la politique sociale du Gouvernement est la réduction de la pauvreté en faisant passer l'indice de pauvreté de 33,6 % en 1998 à 30 % en 2005, sur la base d'un seuil de pauvreté évalué à 162 800 F CFA par an, soit 446 F CFA par jour.
Les objectifs spécifiques du programme de lutte contre la pauvreté ciblent l'amélioration de la qualité et de l'accessibilité des services sociaux de base. Il s 'agit de :
- Assurer l'éducation pour tous en grandissant la gratuité de l'école primaire ;
- Assurer l'accès des populations aux soins de santé et promouvoir l'assurance-maladie universelle ;
- Améliorer et moderniser les infrastructures de base (hydraulique, assainissement, entretien routier, électrification, logement...) ;
- Réduire l'incidence du VIH/SIDA
ECONOMIE
Après de remarques performances de 1960 à 1980, l'économie ivoirienne a connu une crise de 1980 à 1993. La dévaluation du F CFA en 1994 a permis de renouer avec la croissance de 1994 à 1999. Le coup d'Etat de Décembre 1999 a entraîné un repli économique de -2,4 % en 2000 et -0,9 % en 2001. Pour l'année 2002 un taux de croissance de 3 % est escompté.
Le secteur agricole demeure le principal moteur de l'économie ivoirienne avec 28,5 % du PIB en 2000, près de la moitié des recettes d'exportation et les deux tiers de la main d'oeuvre. L'agriculture ivoirienne est dominée par des produits d'exportation tels que le cacao, le café, le coton, l'hévéa.
Le secteur secondaire qui a représenté 23,5 % du PIB contre 39,6 % pour le secteur tertiaire en 2000 repose essentiellement sur l'agro-industrie.
ENVIRONNEMENT
La Côte d'Ivoire a adopté en 1994, dans le sillage de la conférence de Rio "un livret blanc de l'environnement" suivi en 1995 d'un plan d'actions pour l'environnement (PNAE) structuré autour des 10 programmes suivants :
- Développement agricole durable ;
- Préservation de la Biodiversité
- Gestion des établissements humains ;
- Gestion de l'espace littoral ;
- Lutte contre les pollutions et autres nuisances ;
- Gestion intégrée de l'eau ;
- Amélioration de la gestion des ressources énergétiques ;
- Recherche, éducation, formation, sensibilisation ;
- Gestion intégrée et coordonnée de l'information environnementale ;
- Amélioration du cadre institutionnel.
Malgré quelques avancées sur certains de ces programmes, le PNAE n'a pas été globalement mis en oeuvre faute de support financier suffisant.
Les priorités actuelles en matière de protection de l'environnement portent sur :
- La préservation du couvert forestier ;
- La préservation de la biodiversité à travers la protection des parcs nationaux et des réserves naturelles de faune et de flore ;
- La gestion des déchets solides ;
- L'évacuation des eaux usées ;
- La lutte contre la pollution de l'air par les véhicules automobiles et les industries.
INSTITUTIONS
Votée en 1996, le Code de l'Environnement est le principal instrument juridique régissant la protection et la gestion des ressources environnementales en Côte d'Ivoire. Le Code de l'Environnement est soutenu par différents decrets, notamment ceux :
- Déterminant les règles applicables aux études d'impact environnementales ;
- Créant l'Agence Nationale de l'Environnementale ;
- Créant un Fonds National de l'Evironnement.
Une Commission Nationale de Développement Durable, qui sera un cadre de concertation de tous les secteurs et parties prenantes de la peotection de l'environnement est en cours de création.
GROUPES SOCIAUX/ACTEURS
L'implication des femmes, des jeunes, et des organisations de la société civile dans les activités liées au développement durable nécessite un programme soutenu de sensibilisation, d'information, d'éducation et de communication, qui représente un axe majeur des actions à développer par le Ministère de l'Environnement, en vue de faire de ces groupes des partenaires et des alliés. Les ONG doivent servir de relais et de leviers de mobilisation en particulier des femmes et des jeunes en vue d'actions citoyennes de renouement, d'assainissement, de nettoiement, d'économie d'énergie, d'embellissement du cadre de vie.
La place de l’agriculture urbaine dans les dispositifs institutionnels et la planification
Djibrill Doucouré et André Fleury
L’agriculture urbaine qui se développe dans plusieurs villes d’Afrique de l’Ouest et du Centre est confrontée à des contraintes qui limitent son essor. Dans ce chapitre, l’accent est mis sur la planification, indispensable pour une réelle prise en compte de l’agriculture urbaine par les politiques publiques, et sur les conséquences pour l’agriculture urbaine des stratégies générales de développement et des textes législatifs et réglementaires promulgués en vue d’autres objectifs.
Dans son introduction, ce chapitre esquisse une réflexion sur la place de l’agriculture urbaine dans le développement des villes. La première partie présente ensuite les méthodes de planification urbaine susceptibles d’améliorer le développement durable de l’agriculture urbaine par sa prise en compte effective dans le contexte du développement socio-économique local. Ces méthodes reposent sur l’implication de tous les acteurs du secteur dans l’élaboration des politiques, sur l’identification des problèmes majeurs et leur hiérarchisation et sur le choix des solutions appropriées pour les résoudre. La seconde partie applique ces principes généraux. Elle resitue d’abord la question de l’agriculture dans le contexte urbain, en précisant les enjeux et les dynamiques urbaines et en examinant le caractère durable de cette agriculture. Puis elle aborde les conditions spécifiques pour que l’agriculture urbaine trouve sa place dans les documents d’urbanisme : identifier une zone agricole et en définir les règles de fonctionnement. La conclusion du chapitre souligne la nécessité de l’innovation juridique dans le domaine de l’agriculture urbaine.
L’agriculture urbaine
dans le développement des villes
Les termes de référence du Réseau francophone pour l’agriculture urbaine en Afrique de l’Ouest et du Centre (Rfau/Aoc), mis en place par le Crdi, rappellent que cette agriculture contribue à plusieurs titres à la gestion de la ville :
– en participant à l’approvisionnement, surtout en produit frais ;
– en créant des emplois et des revenus, qui contribuent à l’équilibre social ;
– en améliorant l’environnement par une gestion spécifique des déchets ;
– en occupant des terrains qui font office de coupures vertes dans le tissu urbain et en participant ainsi à l’aménagement des espaces verts et à l’amélioration de la qualité de l’air.
Outre sa dimension strictement agronomique, l’agriculture urbaine permet de résoudre certaines questions sociales graves en jouant un rôle d’intégration (migration des ruraux, chômage endémique). Pourquoi son développement pose-t-il alors un problème? L’un des nombreux paradoxes de l’agriculture urbaine est d’être à la fois ancienne, quasi universelle et souvent en marge, sinon de la loi, du moins de la pratique ordinaire de l’urbanisme : la pratique sociale n’a pas (encore) fait évoluer le droit. Il y a probablement plusieurs raisons à cela.
• L’implantation de l’agriculture urbaine, dans et autour de la ville, se situe précisément là où s’opère la progression de la ville. Dans les pays développés, cela ne pose pas de problèmes, le découplage entre bassin de production et bassin de consommation étant quasiment total. L’agriculture périurbaine professionnelle y ressemble à l’agriculture rurale avec laquelle elle est articulée.
• Les pouvoirs publics n’interviennent pas, en général, dans l’organisation de l’approvisionnement. Les agriculteurs périurbains sont assez proactifs pour prendre des initiatives dans le domaine de la production (Bryant et Johnston, 1992). L’action traditionnelle des villes relève essentiellement de l’organisation des marchés physiques.
• Les politiques locales ont davantage planifié le développement économique que le développement social. L’espace agricole n’est pas un élément structurant des projets urbains.
• En outre, l’administration de l’espace se partage souvent entre le code rural et le code de l’urbanisme, fréquemment irréductibles l’un à l’autre. Dans l’espace périurbain, les contradictions sont particulièrement nombreuses et visibles et, le plus souvent, les conflits sont réglés au profit de la ville au sens strict. Les anciens jardins ouvriers ou familiaux, version européenne de l’agriculture urbaine tropicale, en ont largement fait les frais.Mais le plus important est sans doute que, dans le diagnostic des politiques publiques et dans la mise en œuvre des processus de planification, la concertation entre acteurs n’est souvent pas de mise. En effet, les populations les plus concernées par l’agriculture urbaine ne sont que peu représentées auprès du pouvoir urbain, qui privilégie d’autres groupes sociaux et d’autres enjeux. La planification mise en œuvre ces dernières décennies dans plusieurs pays d’Afrique de l’Ouest et du Centre, traduction de la stratégie globale de développement, n’a guère tenu compte de l’agriculture urbaine, malgré tous ses avantages sociaux, économiques et environnementaux. Les conséquences en sont, d’une part, que les problèmes des acteurs sont négligés ou mal pris en compte avec pour corollaire que les solutions préconisées ne rencontrent pas l’adhésion, d’autre part, que le développement accuse un retard et que les ressources de la planification se perdent, d’autant plus que le constat de l’échec arrive avec quelques années de retard et qu’il faut alors recommencer tout le processus.
La méthodologie de la planification
Les organismes de développement ont instauré depuis quelques années des méthodes d’approche des problèmes, qui mettent l’accent sur la concertation et la participation des acteurs, notamment communautaires. Elles peuvent ainsi conduire à reformuler les politiques publiques et à mieux les appliquer. Par la prise en compte des problématiques exprimées par les acteurs eux-mêmes, elles permettent d’améliorer le secteur et facilitent l’accès aux ressources nécessaires. Elles peuvent être utilisées dans le cadre de l’agriculture urbaine pour son insertion véritable dans la définition, l’élaboration et la mise en œuvre des politiques publiques centrées sur différents secteurs d’activité.
En premier lieu, nous considérons les méthodes de planification conventionnelles et les méthodes stratégiquement concertées, sur la base d’exemples mettant en évidence des processus de participation et de concertation — processus de planification et de gestion de l’environnement, consultation de ville, processus d’élaboration des plans locaux d’action environnementale (Plae) et des plans nationaux d’action pour l’environnement (Pnae). En second lieu, nous examinons certains mécanismes durables de concertation et de mise en réseau entre les acteurs de l’agriculture urbaine et périurbaine en Afrique de l’Ouest et du Centre.
L’évolution de la planification
La planification classique
Le schéma de planification dit classique se déroule en quatre phases : la collecte d’un grand nombre de données chiffrées (statistiques démographiques,emploi, branches économiques), le traitement des données et leur croisement, la rédaction d’un document de base, l’élaboration du plan proprement dit. Dans ce schéma, des spécialistes d’un secteur ou des experts multidisciplinaires sont mis à contribution pour définir un plan selon le cycle : définition du système, hiérarchisation, analyse préliminaire, identification, évaluation et comparaison des scénarios, choix du plan, processus de mise en œuvre.
L’analyse détaillée de cette procédure ainsi que les résultats obtenus, dans divers cas et à l’échelle mondiale, ont révélé les limites du schéma de planification classique. C’est pourquoi une nouvelle génération de méthodes de planification a été développée.
La planification stratégique
Ces nouvelles méthodes de planification s’appuient sur des outils simples et souples, compris et acceptés de l’ensemble des acteurs, y compris les bénéficiaires. Elles mettent l’accent sur l’implication de tous les acteurs dès le début du processus, aspect fondamental pour la réussite de l’exercice. Cette rupture avec les procédures classiques a donc consacré l’émergence de la planification dite stratégique concertée (tableau 5).
Les exemples de processus
de planification stratégique
Plusieurs processus de planification stratégique susceptibles d’intégrer l’agriculture urbaine dans le schéma de développement sont mis en œuvre actuellement.
La consultation de ville
La consultation de ville est une démarche d’expérimentation sociale d’un processus Agenda 21 dans les unités urbaines. Elle repose sur trois principes fondamentaux : la concertation et la coordination intersectorielle des activités, la participation communautaire et l’engagement municipal. La consultation de ville intègre dans sa démarche plusieurs outils de planification et des techniques d’analyse de la participation et de l’animation sociale. Elle a une fonction pédagogique de mise en réseau des différents acteurs du développement urbain dans la perspective du « penser globalement et agir localement » (think globally and act locally). La consultation de ville se déroule selon plusieurs étapes.
• Le profil environnemental. Les principaux objectifs de ce profil de l’agriculture urbaine sont la collecte de l’information, l’identification des problèmes prioritaires des acteurs du secteur, l’identification des acteurs clés et
Tableau 5. Les étapes de la planification stratégique.
des institutions à impliquer, le partage avec tous les partenaires du processus de planification et de gestion, les orientations et l’évolution de l’approche adoptée. La collecte et l’arrangement de toutes les informations liées à ce secteur se font par le biais d’outil de collecte de l’information comme la méthode accélérée de recherche participative (Marp), le focus group, l’observation participante, les interviews communautaires, la recherche documentaire, les enquêtes par questionnaire. A la suite de la collecte des informations, on effectue un exercice d’intégration et de mise en cohérence des données qualitatives et quantitatives, étape importantedans la perspective d’une complémentarité fonctionnelle des informations. Cette mise en cohérence peut se faire selon un processus continu d’interprétation ou de restitutions avec les acteurs.
Les acteurs clés et les institutions à impliquer sont :
– les producteurs (individus, groupements, coopératives), les intermédiaires, les transporteurs, les commerçants, à l’échelon local ou international ;
– les groupes communautaires (populations) et les organisations communautaires de base ;
– les industries chimiques (engrais) ;
– les collectivités locales pour la gestion des déchets, le développement, la planification et la fiscalité locale ;
– les acteurs des secteurs formels et informels des déchets ;
– les industries de transformation ;
– les chercheurs, les universitaires, les spécialistes de la gestion urbaine et de l’environnement ;
– les propriétaires terriens.
Le profil est un document d’évaluation participative et consensuelle de l’état de l’agriculture urbaine. Nous prenons ici l’exemple du profil • environnemental qui permet d’expliciter les relations entre l’agriculture et l’environnement dans la ville (voir l’encadré ci-dessous).
Le canevas du profil environnemental
1. Introduction : le problème ; cadre géophysique et occupation des sols ; données socio-économiques (démographie, structure économique, pauvreté urbaine).
2. Etat de l’environnement dans l’agglomération urbaine : qualité de l’air ; qualité de l’eau (eaux superficielles, souterraines, côtières, zones de pêche) ; sol (forêts et végétation naturelle, terres agricoles, parcs, zones de loisirs et espaces publics, sites historiques et patrimoines culturels, qualité du sol) ; risques naturels et anthropiques.
3. Interactions du développement et de l’agriculture urbaine : alimentation en eau et disponibilité de l’eau ; assainissement des eaux usées et des excréta ; gestion des déchets solides ; contrôle de la pollution atmosphérique ; disponibilité du sol et accessibilité ; réseau de transport ; développement de l’habitat ; emploi.
4. Principaux acteurs de la gestion de l’agriculture urbaine : secteur public ; secteur privé formel ; secteur privé informel ; mouvement associatif (organisations non gouvernementales, organisations communautaires de base, média, coopératives).
5. Fonction de gestion : instruments d’intervention ; coordination et processus de décision ; contraintes de gestion effective ; initiatives en cours sur le renforcement institutionnel.
• La consultation de ville. La consultation de ville est une réunion organisée par les initiateurs de l’exercice de planification stratégique. Elle a trois objectifs principaux : la validation du profil environnemental ; l’identification des problématiques environnementales prioritaires ; la mise en place des groupes de travail thématiques, dont le nombre sera fonction des problématiques identifiées. L’organisation d’une consultation de ville supposeune large diffusion du profil environnemental dans la communauté des acteurs du développement urbain (public, privé, société civile) et une bonne compréhension de l’exercice de planification par les autorités municipales. La consultation de ville peut durer un ou deux jours selon le degré de mobilisation des acteurs et la taille de la ville.
• L’élaboration et la mise en œuvre des plans d’action municipale (Pam). Le plan d’action est beaucoup plus orienté vers l’exécution. Il est flexible, peut s’accommoder de changements et s’adapte aux différences géographiques. Sa formulation et son exécution dépendent de l’engagement des acteurs et de leur capacité à générer et à mobiliser des ressources. Le plan d’action s’élabore après avoir défini les problèmes prioritaires, clarifié ces problèmes et formulé les stratégies.
• Les problèmes prioritaires. L’objectif est de concentrer les efforts sur des problèmes prioritaires, dont les conséquences sont néfastes, et d’affecter les ressources limitées disponibles à leur résolution. Sont considérés comme problèmes prioritaires les problèmes intersectoriels, à long terme, récurrents, qui affectent de nombreux ou de vastes espaces géographiques. Les critères de sélection sont la gravité des conséquences sanitaires, l’importance de la perte de productivité urbaine, l’influence sur la consommation non durable des ressources et les impacts irréversibles. Le nombre de problèmes prioritaires doit être limité, notamment par rapport aux disponibilités financières.
• La clarification des problèmes. Un exercice de clarification des problèmes est nécessaire selon leur nature : quel est le type de problème (de gestion, technologique, financier, institutionnel ou autre)? sa durée (phénomène passager, problème à long terme, structurel ou cyclique)? son impact (social, économique)? quels sont les frais engendrés (directs ou indirects)? les conséquences à long terme qui ne peuvent être évaluées en terme monétaire? Quelles sont ses causes fondamentales? ses acteurs à l’échelon politique, institutionnel, managérial? Quel rôle peuvent-ils jouer et quels sont les instruments d’exécution dont ils disposent?
• La formulation de stratégies. C’est lors de cette étape que sont examinées les options stratégiques : les stratégies passées et présentes sont analysées avant d’entreprendre les actions sur le terrain. La mobilisation de groupes de travail sur une durée raisonnable, avec des réunions espacées et flexibles, doit permettre de définir ces plans d’action municipale en fonction des besoins et des possibilités de financement. Cela suppose d’identifier et de contacter les guichets de financement disponibles sur le plan national, par l’intermédiaire de la municipalité et d’un comité de pilotage, reconnu officiellement, chargé de la coordination et des orientations stratégiques de l’exercice. Il est possible d’envoyer des consultants de manière ponctuelle, pour recueillir certaines informations et analyser certains aspects clés, afin d’alimenter la réflexion des groupes de travail. Les groupes de travail assu-rent le passage des plans d’action municipale conçus sous forme de fiches par activité en documents de projet. Le succès de cette étape dépend de la maîtrise des procédures et des mécanismes d’accès aux fonds des guichets de financement.
Les partenaires du projet doivent amener la municipalité à faire siens des projets d’investissement et à les inscrire dans le budget municipal avec sa participation en nature ou en espèces. Une phase dite de postconsultation donne lieu à la mise en œuvre concrète des projets d’investissement. La mise en œuvre des plans d’action doit être fondée sur un processus de validation communautaire en deux étapes. Dans la première, il s’agit de lancer, auprès des communautés ciblées, un diagnostic participatif par la méthode accélérée de recherche participative, le focus group ou la stakeholders analysis. La seconde étape consiste à organiser des forums communautaires pour restituer les résultats de la méthode accélérée de recherche participative ainsi que les conclusions des groupes de travail qui auront fait l’objet de plusieurs échanges. L’objectif assigné à la validation communautaire est de tester l’acceptabilité sociale des plans d’action municipale.
La consultation de ville est un exercice de planification stratégique concertée, largement expérimenté durant ces dernières années par le Cnueh (Centre des Nations unies pour les établissements humains), le bureau pour l’Afrique du Pgu (Programme de gestion urbaine) et l’Iagu (Institut africain de gestion urbaine).
Le processus de planification et de gestion de l’environnement
Le processus de planification et de gestion de l’environnement (Ppge) a été lancé par le Programme cité durable (Pcd) du Cnueh. Cette démarche met l’accent sur les interactions environnement-développement. Elle est fondée sur la participation du public, du privé et des groupes communautaires et traite les aspects intersectoriels et interorganisationnels, en privilégiant les réponses qui viennent de la base et en insistant sur le renforcement des capacités locales. Elle est mise en œuvre dans plus de vingt villes à travers le monde depuis 1991.
Le processus est une séquence d’activités connectées, sur un schéma logique et pratique, avec un certain nombre de productions importantes pour l’évolution du projet. Le processus se déroule selon trois phases.
• Le lancement et l’évaluation. C’est une période initiale qui peut durer neuf mois et comprend les activités suivantes :
– identification et mobilisation des participants et partenaires du projet ;
– familiarisation des partenaires du projet avec les concepts du processus de planification et de gestion de l’environnement et les approches « cité durable » ;
– préparation d’un profil environnemental et identification préliminaire des problèmes environnementaux prioritaires ;
– identification des ressources, outils et informations disponibles et élaboration d’un système d’information géographique et d’un système d’information de gestion environnementale (environment management information system, Emis) spécialement adapté aux besoins de la ville ;
– organisation et tenue d’une consultation de ville ;
– installation des groupes de travail par thème prioritaire.
• La stratégie et le plan d’action. Cette phase peut durer de quinze mois à deux ans. C’est une période d’analyse, de discussion et de négociation intenses dans les groupes de travail. Le nombre, l’objectif et le statut des membres dans ces groupes changent et évoluent au fil du projet. Les groupes de travail restent l’aspect principal du Programme cité durable. Chaque problème prioritaire identifié est défini et détaillé pour atteindre un consensus sur les stratégies appropriées à mettre en œuvre pour le traiter. A partir de ces stratégies, des plans d’action sont préparés puis soumis aux organisations et aux groupes impliqués dans leur mise en œuvre. Il est souhaitable que de petits projets de démonstration soient entrepris pour tester les approches développées : quelques actions du plan peuvent être ainsi transcrites en projet. Toutes ces activités doivent être menées graduellement, de façon pragmatique et coopérative. Il est aussi possible de conduire des opérations visant à renforcer les capacités institutionnelles et à développer les ressources humaines.
• Le suivi et la consolidation. Sans durée précise, c’est une période de suivi et de mise en œuvre. Les stratégies et les plans d’action résultant des groupes de travail sont améliorés afin de définir un cadre de gestion environnementale à l’échelle de la ville et une stratégie de développement urbain. Les projets d’investissement sont traités dans le détail, après une analyse rigoureuse, et un plan de mobilisation des ressources est arrêté. La tâche d’institutionnalisation du processus, lancée lors de la deuxième phase, est poursuivie de même que les activités de formation et de développement institutionnel.
L’institutionnalisation du processus de planification et de gestion de l’environnement repose sur deux préalables : la reconnaissance institutionnelle du comité de pilotage (arrêté municipal, avis consultatif au sein du conseil municipal, présence effective de tous les acteurs du développement urbain dans le comité) et l’appréciation des plans d’action municipale comme formant un cadre stratégique dans lequel doivent s’insérer toutes les initiatives de développement local. Ainsi, l’interaction est rendue plus facile entre les pôles de décision et les organes d’exécution dans les administrations urbaines. Enfin, des rencontres et des ateliers régionaux ou nationaux sont organisés pour reproduire le processus dans d’autres villes en tenant compte de l’expérience acquise dans la mise en œuvre du projet.Les structures de mise en œuvre du processus sont le groupe consultatif, les groupes de travail et le comité de pilotage. Le groupe consultatif est la première structure à être formée pour la consultation de ville et l’identification des problèmes prioritaires.
Le groupe consultatif est ensuite élargi pour former un groupe de travail bien structuré avec des procédures opérationnelles formelles. Le groupe de travail n’est pas organisé en fonction des institutions, des professions ou des disciplines. Ses membres proviennent d’organisations et de groupes des secteurs public, privé et communautaire pour assurer une participation active de tous les acteurs dont la coopération est nécessaire. Les membres du groupe de travail doivent posséder l’expertise ou l’information concernant la problématique pour traiter le problème et pour développer des stratégies de gestion et des plans d’action. Ils doivent avoir des responsabilités liées à cette problématique, c’est-à-dire contrôler les instruments de gestion du problème, et porter un intérêt aux questions et aux stratégies environnementales ainsi qu’aux plans d’actions.
La participation de tous les membres, experts et non, offre la possibilité d’établir un consensus. Les membres constituent le relais entre le groupe de travail et les acteurs. Ils doivent apporter au groupe de travail les idées, points de vue, propositions, expertises et centre d’intérêts de leurs structures respectives. Ils doivent prendre les décisions.
Au fur et à mesure que les travaux du groupe de travail progressent (clarification des problématiques, analyse des options, élaboration des stratégies et des plans d’action), de nouveaux rôles et de nouvelles compétences peuvent s’avérer nécessaires, ce qui conduit à identifier de nouveaux acteurs.
Pour assurer la cohésion de groupe et une participation productive, l’expérience suggère un maximum de 10 à 12 membres et un minimum de 7 membres. Pour maintenir et promouvoir la participation de tous les acteurs, il peut être nécessaire de mettre en place :
– des réunions élargies du groupe de travail sur des sujets spécifiques, où d’autres acteurs sont conviés ;
– des miniconsultations, des réunions à l’échelle de la ville sur un problème spécifique, où sont invités tous les acteurs possibles ;
– des ateliers spécifiques plus techniques ;
– des sous-groupes du groupe de travail qui ont pour mandat de traiter d’un problème spécifique et qui peuvent s’adjoindre d’autres membres ;
– des réunions consultatives communautaires sur un problème spécifique d’une zone donnée, qui ont pour objectif de stimuler une large participation, spécialement des acteurs d’autres secteurs que le secteur public ;
– des projets de démonstration, engagés par le groupe de travail, dont la petite taille permet de mettre en place une équipe spéciale qui comprend plusieurs types d’acteur.Chaque groupe de travail a un coordinateur désigné. S’il y a plusieurs groupes de travail, un groupe de travail de coordination rassemble les coordinateurs des groupes de travail spécifiques dans un forum qui facilite l’échange de leurs stratégies et de leurs résultats. Aussi, selon la complexité des problèmes et la technicité requise, un comité de coordination technique peut être mis en place pour aider le groupe de travail à comprendre les plans sectoriels, pour renforcer sa coordination et l’aider à capter l’attention des décideurs.
Le processus du groupe de travail est construit sur le principe de base simple de la participation intersectorielle dans la planification et la gestion de la prise de décision. La structure générale repose sur trois fonctions principales : la fonction de soutien politique ; le consensus dans la fonction de prise de décision ; la fonction de coordination.
Les groupes de travail sont au centre de la mise en œuvre d’un projet du Programme cité durable. Les groupes de travail sont normalement opérationnels juste après la consultation de ville sur la base des travaux préparatoires à la consultation et durant la consultation. Ils le restent tout au long de la mise en œuvre du processus de planification et de gestion de l’environnement et sont la base de l’institutionnalisation du projet à long terme.
Les problématiques environnementales prioritaires, identifiées et formulées durant la première phase du projet puis hiérarchisées et confirmées lors de la consultation, deviennent la base de travail de ces groupes. Chaque groupe de travail traite d’un problème spécifique.
Un comité de pilotage composé de dirigeants politiques, administratifs et communautaires, de représentants des principales agences de financement et d’acteurs stratégiques peut mobiliser un fort soutien politique. Un comité de pilotage mis en place dès le début permet de stimuler l’appui politique nécessaire au lancement du processus. Le comité de pilotage peut aussi jouer un rôle important de soutien aux groupes de travail spécifiques.
La consultation de ville dans le Programme de gestion urbaine
La consultation de ville est utilisée par le Programme de gestion urbaine dans un processus moins long, qui dépend du contexte local. Le maître mot étant l’implication de la population dans la prise de décision, les consultations de ville sont mises en œuvre sur la base d’une demande locale et des priorités définies par la population (figure 1). Elle débute par une intense activité de préparation lors de laquelle le profil est élaboré. Les thématiques clés du Programme de gestion urbaine autour desquelles s’orientent les consultations de ville sont la pauvreté, la gouvernance, l’environnement et le genre comme thème transversal. Actuellement et dans le cadre de la thématique environnementale, un vaste programme de consultation de ville est mis en œuvre dans sept villes de l’Afrique de l’Ouest par le Réseau francophone
Figure 1. Processus de consultation de ville.
pour l’agriculture urbaine en Afrique de l’Ouest et du Centre, abrité par l’Iagu. Des études de cas et des profils sont élaborés sur la problématique foncière et la réutilisation des eaux usées dans l’agriculture urbaine. Elles seront présentées lors de la consultation de ville où le plan d’action sera élaboré avec la hiérarchisation des actions à mettre en œuvre et leurs acteurs. La mobilisation des ressources, tant locales qu’externes, est suivie par la mise en œuvre et le suivi-évaluation.
Les plans locaux d’action environnementale
et le plan national d’action pour l’environnement
L’élaboration des plans locaux d’action environnementale (Plae) est aussi une démarche efficace pour gérer l’environnement urbain. Ces plans combinent l’évaluation des conditions environnementales locales sous forme d’audit et l’identification des problèmes prioritaires, auxquels sont associésdes politiques locales appropriées et des investissements nécessaires. A travers ce processus les planificateurs peuvent évaluer la nature et l’importance de l’agriculture urbaine, les potentialités de l’intégration de l’agriculture urbaine dans la gestion des déchets urbains, les stratégies de gestion du sol et toutes les autres contraintes. L’élaboration ou la révision, à l’échelon national, des plans d’action environnementale peut être l’occasion d’améliorer la gestion des ressources naturelles par l’intermédiaire de l’agriculture urbaine.
Le plan local d’action environnementale est un outil de planification, de suivi et de gestion d’actions identifiées et hiérarchisées par les populations. Il constitue un document de référence pour les planificateurs et comporte un ensemble de projets. Il se fixe un horizon de trois ans avec des objectifs à plus long terme. Dans sa stratégie, les premières actions environnementales sont exécutées dans le très court terme (deux ans). Son processus d’élaboration comporte plusieurs étapes.
• La journée de dialogue public. Elle est organisée pour identifier les problèmes environnementaux et sensibiliser les populations à leur sujet. C’est l’occasion de partager des expériences, de mettre au jour les conflits que peut soulever la gestion de la ville, mais aussi de cerner les problèmes qui préoccupent le plus la population.
• L’établissement d’un schéma de la ville et du territoire communal.
• L’atelier municipal de planification. Cet atelier est organisé pour clarifier le profil environnemental de la ville, les causes et les conséquences des problèmes, leur localisation, leurs solutions et les initiatives locales. Il s’agit :
– de rappeler les problèmes d’environnement ;
– de classer les problèmes selon leurs causes, leurs effets et les priorités ;
– de localiser les problèmes dans la ville ;
– de récapituler les expériences et les solutions locales ;
– de définir les objectifs importants ;
– d’identifier les actions prioritaires ;
– d’établir un plan programme.
• L’atelier de planification d’actions. Les acteurs concernés se regroupent par action prioritaire ou par thème pour concevoir le microprojet : objectifs, activités de réalisation et de maintenance, durée et programmation, exécutants, coûts de réalisation et de maintenance.
• Les fiches et la convention des microprojets. C’est le dossier de projet à soumettre éventuellement à l’assistance technique ou financière nationale ou internationale. La fiche synthétise le plan d’opération du microprojet : plan de la ville et localisation du projet, objectifs et description succincte, bénéficiaires, actions menées et proposées, délais, contributions locales ou sollicitées. La convention est l’acte d’engagement signé par les parties concernées sur des éléments de négociation clairs. Le programme municipal, quiregroupe tous les schémas, plans programmes et plans d’opération, est présenté aux acteurs ayant participé aux différentes phases pour approbation.
Une variante de cette procédure consiste à élaborer un document préliminaire statuant sur l’état des lieux concernant tous les problèmes environnementaux de la ville. Ce document de base, audit environnemental, est discuté, amendé et complété lors d’un atelier local de planification. Des enquêtes complémentaires sont effectuées pour recueillir l’avis de la population sur l’état de l’environnement, la hiérarchisation des problèmes, ses engagements techniques et financiers pour résoudre les problèmes majeurs. Sur cette base, des plans d’action sont élaborés et soumis à nouveau aux différents acteurs par le biais d’une seconde consultation locale de restitution. Ce schéma a été utilisé pour élaborer les plans départementaux et régionaux d’action pour l’environnement au Sénégal.
La synthèse de plusieurs plans locaux d’action environnementale élaborés à l’échelon national constitue le plan national d’action pour l’environnement (Pnae), qui peut être enrichi par l’organisation d’ateliers de concertation sur des thématiques spécifiques, importantes à l’échelle nationale. La plupart des pays d’Afrique subsaharienne sont impliqués dans l’élaboration de plans nationaux d’action pour l’environnement.
Les réseaux et leur mise en place
Le réseau désigne des types de relations précises, dynamiques et transversales. Il est le lieu où émergent des idées et des innovations, dont la mise en œuvre selon le contexte serait aléatoire. Il est le moyen, permanent ou non selon les circonstances, de communication et d’échange autour de centres d’intérêts communs à plusieurs organisations.
Le réseau n’est pas :
– uniquement un ensemble de relations entre plusieurs personnes physiques ou morales ;
– une organisation qui, par définition, est une entité formelle réunissant des personnes physiques ou morales autour d’objectifs affichés et collectivement acceptés et fonctionnant selon des règles, normes et valeurs librement consenties à travers un centre de commandement ;
– une fédération d’organisations représentées par des rapports de partenariat ou de relations informelles (personne, structure).
Le réseau favorise des relations transversales dynamiques et suscite des échanges, qui valorisent les expériences et les innovations (dissémination, réplication, gestion du savoir, capitalisation). Il augmente le pouvoir de négociation des structures qui le composent. Il améliore la coordination et l’efficacité des programmes mis en œuvre. Il permet de rationaliser et d’optimiser l’exploitation des ressources, propres ou externes, mobilisées par lesorganisations. Il offre une vision d’ensemble du secteur. Le réseau ne remet pas en cause l’identité des organisations qui le composent, ni leur autonomie de décision ou leurs règles de fonctionnement. Le réseau n’impose pas une relation hiérarchique entre les organisations bien qu’il puisse impliquer une structure légère de coordination ou de pilotage des activités.
Les conditions d’émergence des réseaux sont multiples : le souhait du bailleur ou du partenaire financier de voir se créer un réseau associant un ensemble d’organisations à l’échelon national, régional ou international ; la nécessité d’asseoir une stratégie de mobilisation des ressources ; l’existence de circonstances particulières.
Les réseaux qui s’intéressent à l’agriculture urbaine et périurbaine dans la zone francophone de l’Afrique de l’Ouest et du Centre sont nombreux. Au Sénégal, il en existe plusieurs : le Conseil national de coordination et de concertation des ruraux (Cncr) ; le Réseau sénégalais d’agriculture durable (Resad) ; le Réseau Afrique 2000 ; le Réseau africain pour le développement intégré (Radi) ; le Réseau pour la protection naturelle des cultures (Rpnc) ; l’Union nationale des coopératives agricoles du Sénégal (Uncas) ; le Réseau pour le développement participatif de technologies.
D’autres réseaux ont une vocation sous-régionale, voire internationale, comme le Conseil des responsables de recherche agronomique en Afrique de l’Ouest et du Centre (Coraf) et le Réseau francophone pour l’agriculture urbaine en Afrique de l’Ouest et du Centre (Rfau/Aoc).
Les politiques publiques
Même si actuellement les villes ou les Etats n’ont pas une véritable politique de l’agriculture urbaine, ils interviennent de multiples façons sur cette agriculture. De nombreux textes — codes, règlements, lois — ont une influence sur certaines de ses composantes. Nous proposons ici une analyse synthétique de quelques-uns de ces textes (voir l’encadré ci-dessous), où nous distinguons les textes réglementaires — dont la durée de vie est généralement longue et qui ont besoin d’un toilettage périodique — et les politiques élaborées en fonction d’enjeux qui prennent de l’importance à certains moments.
Les textes réglementaires
• Code de l’hygiène
Enjeux : santé publique.
Impact sur l’agriculture périurbaine : restriction de l’emploi des eaux usées, effluents et ordures ménagères en agriculture ; interdiction de la production alimentaire à partir des déchets ou sur une zone polluée ou à risque ; interdiction de l’élevage domestique en ville.
Impact sur les groupes d’acteurs et d’agents économiques : supplément de coûts
en agriculture pour gérer la fertilité et l’irrigation ; nécessité d’autres systèmes d’épuration des eaux usées ; pratiques clandestines ; élevages clandestins ; nonrespect de la réglementation.
Illustration : livraison sans contrôles par les vidangeurs des eaux vannes aux maraîchers de Dakar ; épidémie de choléra à Santiago du Chili ; détérioration des réseaux d’approvisionnement en eau potable ; ovins, caprins et volailles élevés dans beaucoup d’arrière-cours en Afrique de l’Ouest.
• Code rural
Enjeux : statut des agriculteurs ; valeur des baux agricoles.
Impact sur l’agriculture périurbaine : difficultés d’application de la pluriactivité de l’agriculture périurbaine ; coût d’accès à la terre.
Impact sur les groupes d’acteurs et d’agents économiques : limitation de la diversité des revenus en agriculture ; clandestinité ; élimination des agriculteurs pauvres ; élimination de l’agriculture.
Illustration : apparition de friches périurbaines.
• Code de l’urbanisme
Enjeux : mise à disposition de sols pour l’extension urbaine ; projet général public sur la ville (schéma directeur) localisant les grandes affectations ; réglementation de l’habitat ; localisation de l’habitat en zone favorable.
Impact sur l’agriculture périurbaine : réduction des surfaces cultivables en ville ; mise en question de sa pérennité locale ; prévision éventuelle de sa relocalisation ; zonage favorisant le développement de l’habitat sur les espaces d’agriculture urbaine ; zones affectées à différents usages ; nuisances sur l’espace cultivé.
Impact sur les groupes d’acteurs et d’agents économiques : incertitude pour agriculture ; conflits entre propriétaires, investisseurs et agriculteurs ; cohérence des choix urbanistiques ; répartition des plus-values foncières à venir ; exercice de l’agriculture sous le regard urbain.
Illustration : défaut d’investissement agricole.
• Politique de l’environnement et de l’assainissement
Enjeux : traitement des eaux usées pour en améliorer la qualité hygiénique.
Impact sur l’agriculture périurbaine : utilisation différentielle des eaux plus ou moins assainies (pour arroser des espaces verts, des arbres).
Impact sur les groupes d’acteurs et d’agents économiques : recherche du marché de l’épuration par de grands opérateurs.
Illustration : qualité des composts et fabrication en tenant compte des usages agricoles.
• Politique agricole générale (grandes filières agroalimentaires de mise en marché)
Enjeux : compétition commerciale par l’abaissement des prix.
Impact sur l’agriculture périurbaine : risque de régression des parts de marché.
Impact sur les groupes d’acteurs et d’agents économiques : mise à l’écart de la plupart des acteurs de l’agriculture urbaine.
• Politique locale de mise en marché
Enjeux : distribution des produits de l’agriculture urbaine.
Impact sur l’agriculture périurbaine : accès plus général des producteurs à la vente.
Impact sur les groupes d’acteurs et d’agents économiques : possible concurrence entre les différentes filières de distribution.
Illustration : utilisation de labels spécifiques.
• Politique locale et nationale de l’eau
Enjeux : arbitrage des besoins en eau.
Impact sur l’agriculture périurbaine : disponibilité de l’eau pour l’arrosage ; qualité.
Impact sur les groupes d’acteurs et d’agents économiques : coût de l’eau et profit des entreprises de distribution.
Illustration : disponibilité d’eau moins purifiée pour l’agriculture.
• Politique sociale et de l’immigration
Enjeux : régulation des besoins en main-d’œuvre.
Impact sur l’agriculture périurbaine : disponibilité de main-d’œuvre et, à terme, renouvellement des producteurs.
Impact sur les groupes d’acteurs et d’agents économiques : insertion de jeunes, protection contre la désinsertion sociale ; intégration des populations immigrées par le jardinage.
• Fiscalité locale
Enjeux : ressource des collectivités (patentes, taxes foncières).
Impact sur l’agriculture périurbaine : accroissement des charges.
Impact sur les groupes d’acteurs et d’agents économiques : politique d’organisation par le découpage administratif et le zonage.
• Voirie et travaux communaux
Enjeux : amélioration de la circulation dans la ville.
Impact sur l’agriculture périurbaine : fragmentation du territoire agricole rendant l’organisation du travail et l’accès plus difficiles ; aggravation de la pollution.
Impact sur les groupes d’acteurs et d’agents économiques : développement de conflits de circulation.
• Justice et police
Enjeux : prise au sérieux des plaintes des agriculteurs, par exemple concernant les vols.
Impact sur l’agriculture périurbaine : les déprédations se traduisent par des charges supplémentaires pour les producteurs, des pertes de récolte ou des coûts de remise en état.
La mise en œuvre de la planification
Une planification rénovée, conduite avec la participation de tous les acteurs, peut imposer le maintien de l’agriculture urbaine comme projet collectif et condition d’un développement urbain plus équitable. Les références sont encore limitées : les espaces agricoles sont rarement protégés en milieu urbain et cette protection passe par une prise de conscience des nouveaux enjeux de l’habitabilité urbaine.
L’agriculture dans la ville :
acteurs, enjeux et projets pour la ville
L’autonomie alimentaire
Responsable de la sécurité générale des citoyens, l’Etat doit mettre en place les conditions générales propres à une politique d’approvisionnement et de distribution alimentaires. Les bassins de production de proximité offrent plus de garanties que les importations ou les zones rurales éloignées, les systèmes logistiques risquant d’être déstabilisés lors de crises géopolitiques. En corollaire, surtout si la surface cultivable par habitant est faible (le seuil critique est de l’ordre de 0,3 ha par habitant), l’Etat doit élaborer des règles de protection de l’espace cultivé, qui s’imposent à tout le territoire, donc aux villes.
Ce problème de rareté se pose à l’échelle des villes : c’est en effet celle du territoire vécu par les habitants et aussi celle de la planification opératoire (voir la première partie). Compte tenu de la compétition entre projets de développement, il faut d’abord que l’Etat définisse des règles du jeu intransgressibles et qu’il dispose des moyens de faire respecter la loi.
Enfin, à l’échelle des ménages, l’approvisionnement alimentaire peut être assuré par le marché ou par l’autoconsommation. L’approvisionnement hors marché concerne soit des entités sociales autonomes (économie domaniale), soit des ménages qui ne disposent pas des ressources monétaires d’accès au marché. Ils sont donc amenés à produire leur propre consommation et ne peuvent le faire que s’ils disposent d’accès aux ressources ad hoc, en premier lieu la terre et l’eau. A cette échelle familiale, de nombreux pouvoirs politiques ont régulé l’accès à la terre des plus pauvres3 ; de telles mesures ont été prises en Asie de Sud-Est après la crise boursière de 1997.
La gestion des déchets urbains
Les déchets urbains ont trois destinations :
– le rejet pur et simple dans les espaces périurbains vides, terrestres (zones à faible peuplement ou zones spécialisées) et aquatiques (fleuves et mer pour les eaux brutes d’assainissement) ;
– le recyclage des déchets biologiques, utilisables dans l’agriculture, qui suppose le maintien de la sécurité des aliments. La composition complexe des déchets modernes rend plus difficile ce recyclage ;
– l’incinération après le tri et le traitement des eaux, qui sera sans doute de plus en plus pratiqué dans les pays développés, l’opinion publique acceptant de moins en moins le recyclage.
3. Jadis, en Europe de l’Ouest, avec les terrains communaux et le droit de vaine pâture, de glanage (après récolte des grains) et d’affouage (collecte de bois de chauffage), les pauvres de la communauté paroissiale avaient accès à ces ressources (Fleury, 2001).L’utilisation agricole des déchets urbains et des eaux usées exige une grande vigilance, comme l’a montré le grave accident de Santiago du Chili en 1989, où une épidémie de choléra s’était déclarée à partir de salades irriguées aux eaux usées (Fleury, 2001). C’est un contexte particulièrement favorable au développement de controverses à fondement idéologique, ce qui en rend l’approche plus difficile en planification : c’est ainsi que l’agriculture sur les champs d’épandage d’eaux usées est actuellement interdite dans presque toute l’Europe pour des raisons objectives (métaux lourds), mais aussi largement subjectives (manger des déchets!).
La sécurisation environnementale
Certaines formes d’agriculture, lorsqu’elles occasionnent des nuisances olfactives (élevages hors sol, petits élevages familiaux), altèrent fortement l’habitabilité. La pollution des sols engendre celle des eaux : la protection des ressources en eau, qui sont fréquemment des eaux de surface, est également importante.
Des exemples récents montrent les risques résultant de l’absence de contrôle de l’urbanisation des espaces agricoles : inondations et coulées de boues au Venezuela en 1999 (Fleury, 2001), pollution des ressources en eau par la croissance des favelas à São Paulo actuellement. Certains de ces environnements altèrent la qualité des produits, comme le voisinage d’axes routiers responsables de la dégradation de la qualité de l’air, notamment de pollution par le plomb des supercarburants (Fleury, 2001). La reconnaissance par le public et les acteurs des risques induits par ces relocalisations de l’agriculture est encore très limitée.
Les enjeux sociaux
La population urbaine est, par définition, diversifiée :
– du point de vue des revenus : on trouve en ville les revenus les plus élevés, souvent associés aux fonctions de direction politique et économique et parfois aux statuts traditionnels, mais aussi les plus bas, au sein du prolétariat ;
– du point de vue des activités : on y pratique des activités qui couvrent l’ensemble des secteurs secondaires et tertiaires, surtout importants dans les métropoles, le secteur primaire, dont l’agriculture, n’y est habituellement pas à sa place ;
– du point de vue de la légitimité de sa présence : la forte expansion urbaine contemporaine est surtout liée à l’immigration, généralement de paysans sans qualification autre qu’agricole : c’est le cas dans les pays développés, avec l’immigration mexicaine, aux Etats-Unis et au Canada, ou maghrébine, dans le sud de l’Europe, mais aussi dans les pays en développement — Guinéens au Sénégal, Burkinabés et Maliens en Côte d’Ivoire, Egyptiens, Syriens et Palestiniens au Liban (Fleury, 2001) ;
– du point de vue de son sentiment d’appartenance à la ville : chaque communaut&eacut