Agriculture
Les prix du riz restent inchangés
Les prix du kilogramme de riz restent inchangés suite à la reconduction par le gouvernement ivoirien des mesures d'allègement de la taxe sur la valeur ajoutée et de suspension des droits de douane frappant des produits dont le riz, a-t-on appris de source officielle.
Selon un communiqué du secrétaire général du gouvernement, Tyéoulou Diéla Félix, le gouvernement a pris une "nouvelle décision" qui "suspend les droits de douane à l'importation du riz du 1er janvier au 31 mars 2009", de même que "la taxe pour le développement de la culture du riz".
"En conséquence, les prix du kilo de riz doivent rester inchangés", souligne le texte dont Xinhua a reçu copie.
Face à la flambée des prix des produits de premi ère nécessité, le gouvernement a adopté, quelques mois plus tôt, une réduction des taxes, venue à expiration le 31 décembre dernier.
Dans l'attente de sa reconduction, le groupement des importateurs de riz en Côte d'Ivoire avait annoncé lundi une augmentation des prix du riz prétextant une hausse du taux des tarifs douaniers de 2,5 à 12,5% depuis le 7 janvier.
Le communiqué rappelle les nouveaux prix applicables qui demeurent 325 FCFA pour le riz de grande consommation et entre 400 et 600 FCFA pour les différentes qualités de riz de luxe.
"Le ministre de l'Economie et des finances et celui du Commerce sont chargés, chacun en ce qui le concerne, de prendre les dispositions nécessaires en vue d'une bonne et immédiate application de ces mesures", conclut le communiqu é.
La Côte d'Ivoire importe chaque année entre 700. 000 et 800. 000 tonnes de riz constituant l'alimentation de base de sa population.
La gestion concertée et durable des filières maraîchères urbaines
Dans le chapitre précédent, nous avons vu que, pour pérenniser les activités agricoles en ville, il est indispensable de les prendre en compte dans les politiques de développement urbain. En effet, le maintien de l’agriculture en ville ne s’inscrit pas « naturellement » dans les objectifs prioritaires des gestionnaires de la ville, qui visent plutôt le développement de l’habitat, objectif défavorable au maintien de l’agriculture dans l’espace urbain. C’est en faisant prévaloir les diverses fonctions de l’agriculture urbaine et sa contribution à des objectifs politiques — emploi et création de revenus, alimentation, coupures vertes et gestion des déchets —, que les gestionnaires politiques peuvent être amenés à protéger l’agriculture de la ville de sa substitution par le bâti ou, au moins, à accompagner ses déplacements par des mesures financières et réglementaires. Ainsi, les rapports de l’agriculture à la ville doivent être considérés à la fois en termes de fonctions productives ou matérielles (production d’aliments et de revenus) et dans leurs fonctions non productives, de gestion de l’environnement et du cadre de vie.
Dans les chapitres 3 et 4, nous prendrons surtout en compte les fonctions productives des deux sous-secteurs les plus représentés dans l’agriculture urbaine : le maraîchage et l’élevage. Une analyse centrée sur les fonctions productives nous permet de mieux apprécier la contribution de ces secteurs aux objectifs sociaux et économiques précédemment cités (alimentation, emploi) et de proposer des moyens d’amélioration de cette contribution. Par ailleurs, même lorsque les gestionnaires de la ville sont plus intéressés par les fonctions liées à l’environnement que par les fonctions socio-économiques de l’agriculture en ville, l’agriculture pour se maintenir doit faire la preuve de sa viabilité technique et économique, du moins lorsqu’elle est menée à des fins lucratives, comme c’est généralement le cas pour le maraîchage. Or cette viabilité est à la fois favorisée par un champ d’opportunités et menacée par un jeu de contraintes liées à la localisation en milieu urbain.
Pourquoi le maraîchage?
Dans les études menées en Afrique, le maraîchage apparaît comme la principale activité de l’agriculture urbaine. Cette situation tient à plusieurs facteurs :
– la proximité de la ville, qui entraîne une spécialisation des systèmes de production dans les cultures à haute valeur ajoutée ou périssables (voir le chapitre 1) ;
– les exigences variables en capital et en expertise de ces productions, qui les rendent accessibles à des populations aux ressources diverses — ces exigences sont faibles pour les légumes-feuilles, qui peuvent être cultivés près des maisons avec des ressources exclusivement locales, elles sont plus élevées pour des systèmes intensifiés à base de variétés importées ;
– les cycles courts des cultures maraîchères, moins de trois mois, qui sont adaptés au caractère précaire des activités en milieu urbain et au manque de ressources financières de certaines populations urbaines ;
– l’adéquation des légumes à l’alimentation en milieu urbain, où ils permettent de diversifier les régimes alimentaires ;
– les faibles exigences en capital de départ du commerce de légumes frais.
Ainsi, les cultures maraîchères apparaissent comme typiques du milieu urbain, en termes de production, de commercialisation et de consommation. Elles ont un fort impact sur l’emploi et l’alimentation en ville, en particulier pour les populations aux possibilités d’emploi limitées (femmes peu qualifiées, migrants), comme nous le verrons dans la partie sur les systèmes de production.
Quelques chiffres illustrent l’enjeu du développement du maraîchage en zone urbaine (Moustier, 1996). A Lusaka, près de 45 % des 648 ménages interrogés en 1992-1993 cultivaient des jardins (Drescher, 1994). Dans deux quartiers de Harare, les quatre cinquièmes des ménages interrogés tiraient une partie de leur alimentation de leur jardin (Drakakis-Smith, 1991). Dans les études de cas du Cirad, menées entre 1990 et 1995 dans quatre villes d’Afrique, le pourcentage de ménages impliqués dans la production de légumes variait de 10 % à Garoua à 50 % à Antananarivo (Moustier et David, 1997). Pour l’approvisionnement marchand, la part des jardins situés en ville et dans sa périphérie proche dans l’approvisionnement en légumes-feuilles était, pendant la même période, de 80 % pour Brazzaville, de 100 % pour Bangui et de 90 % pour Bissau et Antananarivo. Le reste de l’approvisionnement était assuré par train ou par camion à partir de zones plus éloignées (Moustier et David, 1997).
L’importance relative des flux de l’agriculture urbaine et de l’agriculture rurale diffère selon les saisons. C’est un aspect fondamental qui doit être pris en compte pour assurer l’approvisionnement régulier des consommateurs enjouant sur les complémentarités entre ces deux types d’agriculture (Moustier, 1996). A Bangui, comme à Bissau, la part des champs villageois dans l’approvisionnement en tomate passe de 40 % à 50 % entre la saison sèche et la saison des pluies (David, 1992 ; David et Moustier, 1993). L’accès à des terrains non inondables est plus aisé en milieu rural, d’où une possibilité de relais en saison des pluies. Pour Nouakchott, Margiotta (1997) indique également une complémentarité saisonnière entre agriculture urbaine et agriculture rurale, avec des flux en provenance du milieu rural qui restent beaucoup plus importants que ceux de l’agriculture urbaine (20 000 tonnes et 6 000 tonnes respectivement), mais une période d’approvisionnement plus longue pour l’agriculture urbaine que pour l’agriculture rurale (9 mois sur 12 au lieu de 3 mois sur 12). Ces études montrent en outre que les activités de maraîchage permettent d’y nourrir une famille toute l’année (mais seulement 4 mois à Bissau).
Pourquoi une approche par filière?
Nous commencerons par caractériser la demande en produits maraîchers et les filières de commercialisation. En effet, ces paramètres aval sont déterminants dans les choix des producteurs et dans leurs marges de manœuvre, en termes de produits cultivés, de niveau d’intensification et de motivation pour des pratiques moins polluantes. Les choix des producteurs s’expliquent également par des contraintes liées à l’environnement physique et par la diversité des motivations sociales et économiques des producteurs, qui seront analysées dans un deuxième temps.
Historiquement, le maraîchage s’est d’ailleurs développé avec l’évolution des besoins de consommation du milieu urbain, à la fois des populations locales et migrantes. Il est essentiel de comprendre les dynamiques de consommation et de marché pour appréhender les tendances d’avenir du maraîchage urbain, même si d’autres variables doivent être prises en compte (voir le chapitre 1). La capacité à développer les avantages comparatifs liés à la proximité des consommateurs urbains est un facteur décisif de la viabilité des exploitations périurbaines, même dans les pays développés, comme le montrent les expériences de cueillette à la ferme. Inversement, la méfiance des consommateurs vis-à-vis de la qualité sanitaire des productions urbaines peut être un facteur de rejet de l’agriculture loin de la ville (voir le chapitre 2).
Même les productions périurbaines, proches des marchés de consommation, font l’objet de critiques quant à leurs systèmes de commercialisation (inorganisés, inefficaces, spéculatifs), qui seraient à l’origine d’une faible rémunération des producteurs, de leur manque de motivation, voire du recours aux importations. Mais ces suppositions sont rarement étayées d’analysesrigoureuses sur la distribution des revenus, les facteurs de compétitivité entre productions locales et importations et les formes d’organisation endogènes.
Mis à part le cas des femmes cultivatrices des champs vivriers où sont produits des légumes indigènes comme le gombo ou, à l’autre extrême, celui des entrepreneurs capitalistes pluriactifs, qui combinent tout un portefeuille d’activités agricoles (maraîchage, élevage, pisciculture, arboriculture), le maraîchage commercial est typiquement le fait de citadins peu qualifiés, qui en tirent l’essentiel de leurs revenus, même s’ils peuvent les compléter par d’autres sources (activité du conjoint, petit commerce, etc.). Cette relative spécialisation correspond à la sélection de productions qui offrent des avantages comparatifs par rapport à celles des zones rurales, mais aussi au savoir-faire technique que requiert le maraîchage.
La fonction d’approvisionnement des villes ainsi que la relative spécialisation des acteurs justifient une approche par filière, qui devra toutefois prendre en compte des aspects plus transversaux dans la gestion des exploitations et de l’environnement. En effet, le maraîchage peut compléter d’autres spéculations dans l’exploitation ou d’autres activités dans le ménage. La diversification agricole et extra-agricole, par exemple l’association cultures vivrièresmaraîchage, maraîchage-élevage ou maraîchage-arboriculture, peut correspondre à des stratégies antirisque ou à des complémentarités en termes de fertilité (déchets animaux pour les jardins), de calendrier de travail (vivrier et maraîchage) ou de trésorerie (maraîchage en attendant la croissance du verger). De même, pour le marché, la vente de légumes peut être associée à celle d’autres produits alimentaires comme les fruits et les condiments.
Les spécificités des filières maraîchères
en zone urbaine
Le tableau 6 présente les atouts et les contraintes déterminées par le voisinage de la ville aux stades de la production et de la mise en marché.
Ces contraintes et ces atouts confèrent aux cultures maraîchères en zone urbaine des caractéristiques qui les différencient de celles des zones éloignées des villes. Les légumes les plus périssables, comme les légumes-feuilles, sont majoritairement fournis par les zones les plus proches des villes, à la différence des légumes secs comme l’oignon ou le haricot. Les systèmes de production urbains ont une forte valeur ajoutée à l’hectare et sont intensifiés (par rapport à l’eau et aux intrants). On y observe une forte différenciation en fonction de la taille des parcelles, du niveau d’intrants, du type de légumes et des sources de revenus extra-agricoles. Les producteurs spécialisés sont motivés par des revenus réguliers et cumulent les fonctions de production et de commerce.
Tableau 6. Atouts et contraintes du voisinage urbain, d’après Moustier et David (1997).
Les caractéristiques du milieu urbain posent de manière prégnante la question de la durabilité économique et écologique des systèmes maraîchers. Pour améliorer cette durabilité, il est nécessaire de s’interroger sur la diffusion de systèmes techniques reproductibles sur le plan économique et écologique (reproduction de la fertilité, gestion de la pression phytosanitaire, limitation des prélèvements en eau). Les formes de coordination et de concertation entre acteurs (producteurs, commerçants, fournisseurs d’intrants et de services, gestionnaires de la ville) peuvent également contribuer à limiter les risques pour la production et le marché. Dans ce chapitre, des méthodes de caractérisation de la consommation et de la commercialisation seront tout d’abord présentées, ainsi que les moyens d’améliorer le fonctionnement des filières. Le diagnostic des contraintes et les voies d’amélioration des systèmes de production feront l’objet d’une dernière partie dans un objectif de meilleur approvisionnement du marché et de plus grande durabilité écologique de l’agriculture urbaine.
La caractérisation des filières
Nous donnons ici des éléments de diagnostic de l’approvisionnement des consommateurs urbains en produits maraîchers (voir aussi Leplaideur, 1991 ; Moustier, 1995a, 1995b, 1999 ; Ofouémé-Berton, 1996 ; Moustier et al., 1997 ; Moumbélé et Torreilles, 1997 ; Moustier et Seck, 1999). L’efficacité de l’approvisionnement est considérée à partir de la satisfaction des consommateurs en termes de disponibilité, qualité et prix des produits.Ces résultats sont analysés en relation avec les stratégies et organisations identifiées dans les filières. Nous présentons d’abord des éléments méthodologiques sur le diagnostic de la consommation et des systèmes d’approvisionnement puis nous détaillons le fonctionnement et les résultats de l’observatoire économique des filières maraîchères à Brazzaville15.
Le diagnostic de la consommation
Le diagnostic de la consommation permet de préciser la place des légumes dans les pratiques de consommation et les déterminants des choix des consommateurs. Ces deux volets doivent s’appuyer sur des éléments de typologie des ménages et des produits.
Les typologies
• La typologie des ménages. D’un ménage à l’autre, la consommation varie selon différents facteurs socio-économiques (Bricas, 1998) : la taille du ménage ; le revenu ; les caractéristiques socioculturelles (le groupe ethnique ou la durée d’installation dans la ville sont parfois des bons indicateurs). Ce sont des indicateurs de différenciation indispensables pour une typologie des ménages.
• La typologie des produits. A partir d’une liste de légumes présents sur les marchés, on peut établir une typologie des produits selon les critères suivants :
– les légumes les plus importants dans les rations ou ceux pour lesquels les consommateurs souhaitent le plus une amélioration de l’approvision-nement ;
– les légumes qui fournissent le plus de revenus aux exploitations maraîchères.
La place des légumes dans la consommation
La place des légumes dans la consommation doit être analysée selon plusieurs critères : quantités, valeurs nutritionnelles, fréquences de consommation, dépenses occasionnées, mais aussi statut particulier des légumes dans les repas — des légumes peuvent être employés en faible quantité mais être indispensables aux sauces. L’importance dans la consommation peut d’autre part ne concerner qu’un groupe d’individus dans le ménage, par exemple les enfants.
Il est important de hiérarchiser les principaux légumes consommés, en termes de fréquences, de dépenses et de quantités. Généralement, ce classement met en évidence l’importance des légumes-feuilles, de l’oignon et de la tomate. La consommation des légumes de type tempéré, comme la
15. Au Congo, l’organisation non gouvernementale Agrisud-Agricongo, en partenariat avec le Cirad, a analysé les filières maraîchères à destination de Brazzaville depuis 1989. Ces filières ont fait l’objet d’un diagnostic approfondi et d’une quantification. Elles sont suivies par un observatoire économique permanent depuis 1995.laitue ou la carotte, est plus sensible au revenu du ménage. Ces informations sont parfois disponibles dans les enquêtes budget-consommation ou doivent être complétées par des enquêtes spécifiques sur un échantillon de ménages.
Les déterminants des choix des consommateurs
Les facteurs clés de choix des citadins en matière d’alimentation sont les suivants (Bricas, 1998) : le prix par rapport au budget alimentaire du ménage ; la disponibilité régulière du produit ; les caractéristiques qualitatives du produit.
Les variations de prix et la consommation
Les prix des légumes font l’objet de très fortes variations saisonnières. Il est important de connaître les réactions des consommateurs à ces variations. S’ils y sont très sensibles et réduisent fortement les quantités consommées, une action de développement de l’offre en légumes permet un bon écoulement des produits par les producteurs et les commerçants et une amélioration du bien-être du consommateur. Pour analyser la variation de la consommation par rapport aux prix, on peut suivre son évolution pendant deux périodes de l’année, l’une de prix élevés et l’autre de prix bas. Cette étude peut être complétée par le suivi des quantités consommées à chacune des périodes considérées. Le problème qui se pose est que tous les légumes ne sont pas disponibles en même temps, d’où l’intérêt de limiter le suivi à quelques légumes pour l’analyse. Cette étude doit permettre de connaître :
– la sensibilité des consommateurs aux variations de prix et donc, les effets escomptés d’actions permettant d’abaisser les prix à certaines saisons, pour certains produits ;
– les stratégies de report d’un légume à l’autre selon les disponibilités respectives, qui peuvent conduire à favoriser la diversité des espèces disponibles sur les marchés.
L’analyse repose sur un suivi des prix effectué sur des points de vente au détail représentatifs de leur diversité, à une fréquence rapprochée, au moins mensuelle. Il faut rappeler ici les difficultés et les dangers des enquêtes sur les prix : un prix n’a de sens que s’il est bien spécifié dans le temps et dans l’espace (type de marché), pour un produit défini en terme de qualité et une quantité précise. Si l’on dispose de données sur une longue période — par exemple les quantités consommées et les prix, relevés chaque mois pendant trois ans pour un échantillon représentatif de ménages —, on pourra procéder à une analyse économétrique de l’élasticité-prix de la consommation.
La disponibilité régulière sur le marché
La gastronomie africaine intègre surtout des produits que la ménagère est à peu près sûre de trouver à tout moment sur le marché. Les produits disponiblesde manière épisodique — par exemple certains légumes de type européen comme la courgette ou le concombre — ne sont pas encore entrés dans les habitudes de préparation des couches aux revenus faibles ou moyens. On constate ainsi une fidélisation des pratiques de consommation autour des légumes les plus régulièrement disponibles et ce, plus particulièrement dans les ménages à budgets tendus. Le cas extrême de la sécurisation de l’approvisionnement est l’autoproduction : des légumes condimentaires, comme le gombo, peuvent être cultivés à proximité des maisons. En ville, cette option est cependant limitée par la pression foncière.
La qualité des produits
Les composantes de la qualité sont multiples. On distingue les caractéristiques intrinsèques du produit — caractéristiques physiques (grosseur, couleur, niveau de maturité, présentation, aptitude à la conservation), organoleptiques, hygiéniques — et les caractéristiques de réputation — une ménagère peut déduire qu’un produit est de qualité (par exemple gustative) s’il est commercialisé par une vendeuse d’une certaine ethnie ou qu’elle connaît depuis longtemps. L’explication des préférences de qualité pose un problème délicat. A partir de quel moment un consommateur distingue-t-il deux produits? Ou encore, jusqu’à quel point un produit peut se substituer à un autre?
Ces niveaux de différenciation sont généralement assez poussés. Par exemple, on ne peut pas traiter sur le même plan — en terme de fréquence d’achat, de type de préparation, etc. — une petite tomate locale bien mûre, utilisée cuite pour la sauce, et une grosse tomate de type hollandais, utilisée crue pour la salade. Il est important d’obtenir une liste des légumes présents sur les marchés urbains et d’interroger les consommateurs sur leurs préférences selon un certain nombre de critères préalablement établis pour chaque légume (grosseur, couleur, degré de maturité, etc.). On demandera également au consommateur s’il juge le produit sain pour la santé et s’il y a un lien entre l’origine du produit et sa qualité.
Le diagnostic des systèmes d’approvisionnement
Le repérage des flux
Le repérage des flux vise à déterminer l’origine des produits approvisionnant les consommateurs finaux (lieux de production locale, origine des produits importés) et à reconstituer les flux entre lieux de production et lieux de consommation. Le repérage doit aboutir à localiser sur une carte des lieux de production et de vente en gros et au détail ainsi que des infrastructures de stockage et de transformation et des voies de communication. On trace lesflux des produits entre ces différents espaces, en distinguant les flux d’origine urbaine, périurbaine, rurale, régionale et internationale.
La connaissance des flux marchands permet d’analyser la place particulière de l’agriculture urbaine dans l’approvisionnement de la ville, en complément d’autres sources d’approvisionnement comme l’agriculture rurale et les importations (Moustier, 1999b).
Pour estimer le poids relatif des différentes origines dans l’approvisionnement des consommateurs urbains, on utilise un indicateur indirect, le pourcentage de détaillantes commercialisant les produits de différentes origines. En effet, tous les produits commercialisés de l’agriculture urbaine passent par un stade de vente au détail alors que le stade de vente en gros n’est pas systématique. Par ailleurs, les détaillantes connaissent généralement la zone de production des produits commercialisés. Ces données sont obtenues par enquête sur un échantillon représentatif de détaillantes, interrogées à différentes périodes de l’année pour prendre en compte les variations saisonnières.
La part de jardins situés dans la ville et dans sa périphérie proche dans l’approvisionnement en légumes feuilles est de 80 % pour Brazzaville, de 100 % pour Bangui et de 90 % pour Bissau et Antananarivo. Le reste de l’approvisionnement est assuré par train ou par camion pour des zones plus éloignées (Moustier et David, 1997). Pour les autres légumes, les zones rurales jouent un rôle important dans l’approvisionnement, même pour un produit périssable comme la tomate. La part des champs villageois, situés à plus de 50 km du centre urbain, dans l’approvisionnement en tomate est de 80 % à Brazzaville, de 60 % à Bangui et de 50 % à Bissau (ces pourcentages concernent à la fois la tomate sauce et la tomate européenne). Mais la part de l’agriculture urbaine augmente en saison sèche du fait d’un recours à l’irrigation, alors que l’agriculture rurale est surtout pluviale.
Le graphe des filières permet de repérer les intermédiaires entre la production et la consommation et leurs différentes fonctions : collecte, regroupement, transport, stockage et redistribution (figure 2).
Figure 2. Exemple de la filière des légumes-feuilles à Brazzaville.
La description des marchés
Les marchés sont les lieux d’échange les plus caractéristiques. Cependant, beaucoup de transactions sont réalisées en dehors des places de marché : directement sur les lieux de production, dans les entrepôts, près des gares, aux points de stationnement des camions. On peut classer les marchés selon la régularité des transactions : les marchés spontanés, les marchés périodiques, les marchés permanents. On peut aussi les classer selon la place qu’ils occupent dans la chaîne d’approvisionnement :
– les marchés de détail sont les lieux d’approvisionnement des consommateurs. On distingue les marchés de détail selon la nature de la clientèle (marché populaire ou marché à clientèle aisée) dans la mesure où l’assortiment des produits disponibles, leur qualité et leur prix sont intimement liés au pouvoir d’achat des consommateurs qui s’y approvisionnent ;
– les marchés de gros sont les lieux de transactions des producteurs-grossistes et des grossistes-détaillants. On distingue les marchés de production (transactions producteurs-grossistes dominantes), les carreaux (transactions producteurs-détaillants), les marchés de redistribution (transactions grossistes collecteurs-grossistes-distributeurs ou grossistes-détaillants).
Les stratégies des commerçants
Le bon fonctionnement des filières repose sur la souplesse des échanges. Les acteurs « commerçants » y jouent un rôle clé. C’est pourquoi le diagnostic des systèmes d’approvisionnement doit s’intéresser aux stratégies des commerçants, notamment aux stratégies d’approvisionnement (choix des réseaux en amont) et aux stratégies de vente (choix des réseaux en aval). Ces stratégies concernent les choix des commerçants dans l’exercice de leurs activités, c’est-à-dire principalement le choix des produits, le choix des quantités commercialisées, les prix d’achat et de revente, les lieux d’achat et de revente, la nature des fournisseurs.
Il est important de connaître les critères de choix des fournisseurs par les commerçants, tout particulièrement lorsqu’ils s’adressent à des fournisseurs de produits importés pour savoir comment augmenter la part de marché des productions locales. Ces critères peuvent être les suivants :
– le lien de parenté ou la connaissance de longue date, qui établit une relation de confiance et garantit la régularité de l’approvisionnement et la qualité des produits ;
– les prix avantageux par rapport à d’autres sources ;
– une qualité supérieure, par exemple une durée de conservation plus longue ;
– la possibilité d’acheter les quantités nécessaires ;
– des conditions de paiement avantageuses (paiement différé, crédit) ;
– la possibilité d’acheter d’autres produits que les légumes.Il est fréquent que les commerçants, faute d’autres sources de revenus que la vente des légumes, adoptent des stratégies antirisque, par exemple :
– la diversification des produits commercialisés ;
– le choix des produits dont l’approvisionnement et l’écoulement sont les plus sûrs ;
– la limitation du fonds de roulement et du capital investi ;
– le stockage ou la transformation des produits.
Les stratégies des commerçants visent à satisfaire leurs intérêts. Ces intérêts offrent à la fois des points de convergence et des points de divergence avec ceux des autres acteurs de la filière, comme les producteurs, en particulier du fait des tensions qui existent autour de la formation des prix.
La formation des prix et des revenus
La formation des prix des légumes entraîne celle des revenus dans les filières. Elle dépend étroitement des pouvoirs de négociation entre vendeurs et acheteurs, c’est-à-dire de la capacité relative des différents acteurs à obtenir des conditions avantageuses au cours d’une transaction commerciale. Ces conditions peuvent avoir trait au prix, aux quantités, à la qualité, au délai de paiement, au lieu et au moment de la transaction. D’une manière générale, plus les pouvoirs de négociation sont concentrés entre les mains de certains acteurs, plus les rémunérations sont inégalement réparties et moins les ajustements entre l’offre et la demande sont fluides. Aussi, lorsqu’un changement dans la consommation se produit, il est possible qu’il soit mal répercuté sur la production.
Dans les théories économiques dites néoclassiques, les pouvoirs de négociation sont équilibrés en situation de concurrence pure et parfaite. La réponse de la production à la demande est alors la plus rapide et la moins coûteuse. Cette situation suppose que soient réunies un certain nombre de conditions :
– l’atomicité du marché : aucun agent pris individuellement n’a de poids sur la formation des prix ;
– l’homogénéité du produit : tous les produits vendus ont les mêmes caractéristiques ;
– le libre accès au marché : tout agent nouveau peut vendre sans barrière à l’entrée ;
– la transparence du marché : une information parfaite existe pour tous les participants sur l’état de l’offre et de la demande et sur les prix.
Cependant, ces conditions idéales ne sont jamais réunies et sont difficiles à mettre en œuvre. Il est en particulier impossible d’obtenir une information juste sur l’état futur de la production et de la consommation. Les marchés africains sont tous en situation de concurrence imparfaite.Il est difficile de mesurer directement les pouvoirs de négociation mais il existe des indicateurs indirects :
– la distribution des moyens, par exemple, le commerçant ou le producteur peut exploiter le besoin de trésorerie de son partenaire. Celui-ci sera obligé de vendre ou d’acheter dans des conditions de marché défavorables alors qu’il aurait pu attendre un prix plus élevé si sa situation monétaire n’était pas tendue ;
– dans les filières des légumes, la distribution du capital « stockage » et « transport » est déterminante pour comprendre les pouvoirs de négociation ;
– dans les filières des produits stabilisés (oignon, pomme de terre et concentré de tomate), ce capital est typiquement concentré entre les mains des grossistes, qui sont les points clés de fixation des prix et volumes ;
– dans les filières de produits frais, c’est le maillon du transport qui est le plus déterminant. Dans l’agriculture périurbaine, où les légumes peuvent être distribués à pied, en bus et en taxi, les pouvoirs de capital « transport » et ceux de négociation sont assez équilibrés. En revanche, dans les zones rurales, un grossiste collecteur peut représenter un point de blocage des volumes et de la fixation des prix s’il contrôle le maillon du transport.
Les variations de prix dans le temps et dans l’espace reflètent l’état de l’offre et de la demande ainsi que la qualité de l’information des différents acheteurs et vendeurs sur cet état. Par exemple, un commerçant peut demander à un producteur de vendre ses produits à un prix plus bas que d’ordinaire en arguant du fait que les consommateurs réduisent leurs achats en raison de problèmes budgétaires. Pour conserver son revenu ou ne pas trop le voir baisser, le commerçant doit bénéficier d’un prix à l’achat minimal. Cependant, le producteur est parfois incapable de vérifier l’information sur la consommation que lui transmet le commerçant, à cause de difficultés de liaisons avec la ville ou de manque de temps. Le producteur n’ayant pu vérifier l’information, le commerçant peut alors exploiter ce défaut d’information en achetant des denrées à un prix minimal.
Les analyses économiques de la formation des prix et des revenus dans les filières doivent s’appuyer sur le suivi des comptes de résultats (charges-produits) des différents acteurs, à intervalle régulier pour tenir compte des variations saisonnières (Duruflé et al., 1995).
Les formes d’organisation dans les filières
Des formes d’organisation peuvent exister au sein d’un groupe professionnel : organisations de producteurs, de commerçants, de transporteurs. Elles peuvent aussi relier des acteurs de différentes professions, de manière plus ou moins large. On peut ainsi observer des contrats reliant un producteur à un commerçant ou des contrats à l’intérieur des comités de concertationinterprofessionnels regroupant l’ensemble des professionnels de la filière. Ces organisations sont des structures de coordination des décisions des agents. Cette coordination vise notamment à renforcer les pouvoirs de négociation vis-à-vis des partenaires (acheteurs, vendeurs, administrations), à mettre en commun les infrastructures pour réaliser des économies d’échelle et à échanger des informations. On trouve généralement deux formes d’organisation dans les filières maraîchères : les contrats d’achat et de vente et les structures de concertation entre producteurs.
Les contrats d’achat et de vente
Les acheteurs et les vendeurs sont souvent liés par des relations de longue durée, qui ont permis d’instaurer la confiance et d’établir des engagements réciproques. Ces engagements prennent différentes formes :
– la garantie de priorité d’achat ou de vente entre les partenaires du contrat, qui permet d’écouler plus rapidement un produit et limite les risques de mévente ;
– la fourniture d’intrants par le commerçant au producteur (cas du Sénégal) ou l’octroi par le producteur d’un délai de paiement au commerçant (cas de Brazzaville) ;
– la fourniture d’intrants par le commerçant au producteur dans le cas où le producteur serait limité en terme de trésorerie avant la campagne (cas du Sénégal).
Les structures de concertation entre producteurs
Il peut également exister des organisations de production et de mise en marché collectives. Mais ces expériences sont rares dans le secteur des légumes. Les conditions de production et de commercialisation étant très variables d’un producteur à l’autre et d’une période à l’autre, la gestion des approvisionnements et l’entente sur un prix d’achat commun sont particulièrement délicates pour une structure collective d’achat.
Les voies d’amélioration : l’observatoire économique
et les organisations professionnelles de Brazzaville
L’observatoire économique permanent de la filière des légumes à destination de Brazzaville vise principalement à réguler l’offre en produits maraîchers au cours de l’année. Le programme Filmar, qui a réalisé un diagnostic appliqué aux filières maraîchères de Brazzaville, a en effet mis en évidence les points suivants :
– la consommation en légumes est dominée par les légumes-feuilles ;
– les importations sont limitées à l’oignon et à la pomme de terre pour tous les types de marché, aux légumes d’introduction récente (chou, carotte, tomate couteau, etc.) pour les supermarchés et le marché du Plateau ;
– l’approvisionnement en légumes est assez régulier grâce aux jardins périurbains. Des reports de consommation sont possibles entre les légumes-feuilles abondants en saison des pluies, comme les feuilles de manioc, et les légumes-feuilles abondants en saison sèche, comme l’endive locale et l’amarante ;
– les filières des légumes-fruits locaux en provenance des villages se caractérisent par une forte fluctuation des prix, à l’échelle de la semaine. Cette situation est due aux calendriers de travail des agriculteurs villageois et aux problèmes d’information et de transport des producteurs situés dans les zones enclavées ;
– pour la filière des légumes de type européen, aucun groupe d’opérateurs locaux n’est jusqu’à présent parvenu à répondre à l’exigence de régularité et de qualité des supermarchés et du marché du Plateau. D’où la difficulté d’établir des contrats d’approvisionnement et le recours aux importations, ce qui renforce le caractère aléatoire des débouchés pour les producteurs locaux.
Les contraintes d’approvisionnement sont donc surtout liées à l’irrégularité de l’offre. L’objectif de l’observatoire économique est de repérer précisément les périodes de baisse de l’offre pour en informer les producteurs et de focaliser l’appui aux producteurs pendant ces périodes.
La collecte et la diffusion des informations
La collecte des informations est centrée sur un certain nombre d’indicateurs :
– les indicateurs d’offre des produits sur Brazzaville : les variations au cours de l’année des prix de gros et de détail peuvent être considérées comme des indicateurs de la variation de l’offre, le commerce des légumes à Brazzaville étant assez concurrentiel, de même que le nombre de détaillants vendant les différents légumes retenus ;
– les indicateurs d’origine des produits : pourcentage de détaillants vendant les légumes des différentes origines ;
– les indicateurs sur la consommation des ménages : les dépenses et les quantités consommées pour différents types de légume et leurs variations au cours de l’année ;
– les indicateurs sur les revenus des producteurs et des commerçants.
Les résultats de l’observatoire sont diffusés à deux types d’opérateurs : Agricongo et, d’une manière générale, les organismes pouvant intervenir dans le domaine du développement maraîcher pour mieux connaître les périodes de baisse de l’offre et ses facteurs explicatifs et apporter les solutions ; les professionnels de la filière, essentiellement les producteurs de légumes et les commerçants.Ces destinataires n’ont pas les mêmes exigences de rapidité de l’information, ce qui implique des modes de diffusion différents. L’information pour le premier type d’opérateur est transmise, tous les deux mois, grâce à un bulletin de quelques pages, qui fournit les informations de base sur l’état des filières sous forme de tableaux ou de graphiques et les commente (tendances des prix, quantité par origine, compte des agents de la filière, tendances de consommation) ; deux fois par an, par des rapports qui détaillent les informations sur la saison passée et, une fois par an, par un document de synthèse. L’information pour le deuxième type d’opérateur est diffusée lors d’une journée d’information, qui a lieu deux fois par an, au début de chaque saison, et qui permet aux producteurs et aux commerçants de se concerter pour approvisionner plus régulièrement le marché.
La concertation entre acteurs : les journées d’information
Les journées d’information réunissent des représentants des maraîchers de Brazzaville et des producteurs du bassin vivrier qui approvisionne Brazzaville, des commerçants, des consommateurs, des agents des services techniques et des organisations non gouvernementales.
Un travail préliminaire avec les acteurs de la filière est réalisé par les responsables de l’observatoire économique afin de recenser les thèmes importants qui seront développés au cours de la journée. En dehors de ces thèmes sont aussi présentés le bilan de la saison écoulée et la préparation de la saison à venir.
Lors des journées d’information, des discussions en groupe sont organisées en associant producteurs, commerçants, consommateurs et techniciens afin de favoriser les échanges d’expériences entre professionnels. A cette occasion, les commerçants expriment leur demande (disposer de tels légumes à une période donnée) et les producteurs signalent leurs contraintes. Avec l’appui des techniciens, ils proposent ensemble des solutions pour produire les légumes qui sont demandés sur le marché. La synthèse de chaque journée est reprise dans une fiche conseil, qui est rédigée par les responsables de l’observatoire économique et diffusée dans les zones de production et sur les principaux marchés de Brazzaville. Elle fait l’objet d’émissions à la radio rurale ou nationale.
L’optimisation des journées d’information se situe essentiellement sur trois plans :
– la représentativité des acteurs invités. Ils doivent avoir une légitimité vis-à-vis du groupe qu’ils représentent et une bonne connaissance de leur secteur d’activité ;
– la diffusion de l’information. Le faible nombre d’invités (une vingtaine de personnes par catégorie d’acteurs) et la diffusion restreinte par les médias(presse écrite, radio) ne permettent pas actuellement à l’information d’être disponible pour tous ;
– la création d’une interprofession. La quasi-inexistence de structures interprofessionnelles tant pour les producteurs que pour les commerçants ne leur donnent pas une forte représentativité vis-à-vis de leurs interlocuteurs institutionnels. De telles organisations amélioreraient la diffusion de l’information, renforceraient les pouvoirs de négociation dans les différents secteurs d’activité et permettraient de cofinancer les activités de l’observatoire économique.
Les systèmes de production
dans les filières maraîchères urbaines
L’agriculture urbaine sera considérée comme l’agriculture localisée dans la ville et sa périphérie, dont les produits sont destinés à la ville et pour laquelle il existe une alternative entre usage agricole et usage urbain non agricole des ressources. Cette alternative suscite des concurrences, mais également des complémentarités entre ces usages (Moustier, 1999). L’analyse des systèmes de production se limitera aux systèmes urbains au sens large (intra et périurbain) pour des raisons de simplification. En effet, il n’est pas toujours facile de distinguer, sur la base de la localisation, le pôle urbain et le pôle périurbain.
Les principales contraintes de production
S’agissant des cultures maraîchères, les techniques et les résultats d’exploitation sont variables. Ils sont tributaires notamment des disponibilités en ressources naturelles (terres, eau), de la maîtrise de l’intensification des productions (accès aux intrants, au crédit) et des conditions de commercialisation.
L’accès au foncier
Les agriculteurs urbains cultivent pour la plupart des terrains sur lesquels ils n’ont pas de maîtrise foncière. L’accès au foncier est la contrainte majeure dans de nombreux pays (Congo, Cameroun, Guinée-Bissau. . .) et l’une des sources de différenciation des systèmes de production et des revenus. La culture choisie est généralement d’autant plus risquée que la surface foncière est élevée (légumes de type européen, légumes-feuilles traditionnels).
En ville, la pression de l’urbanisation tend à limiter les surfaces. A Brazzaville, plusieurs enquêtes montrent que 80 % des maraîchers urbainscultivent une surface inférieure à 700 m2 (Torreilles, 1989 ; Moustier, 1995c). A Bangui, la surface moyenne est estimée à 1 500 m2 (David, 1992). A Bissau, la surface moyenne par productrice est de 760 à 900 m2 (David et Moustier, 1993). A Madagascar, la moyenne de surface potentiellement cultivée (bas-fonds et tanety) de 3 000 exploitations maraîchères est de 700 m2 (Rakatoarisoa et al., 1994). A Dar es Salam, 10 000 producteurs exploitent chacun une surface moyenne de 500 m2 dans la ville (Jacobi et al., 2000). A Abidjan, la taille moyenne des parcelles est de 600 m2 (Yappi Affou, 1999). A Bhaktapur dans la vallée du Katmandou, la surface cultivée en légumes varie entre 3 000 et 5 000 m2 (Jansen et al., 1994). A Dakar, les maraîchers des Niayes exploitent une superficie comprise entre 1 000 m2 et 1 ha (De Bon et al., 1997 ; Mbaye et Moustier, 2000). Autour des principales villes burkinabés, Bobo-Dioulasso, Kadiogo, Koudougou, Bam et Yatenga, le maraîchage périurbain est pratiqué sur des petites surfaces de 200 à 1 000 m2 (Dupeloux et Ouatara, 1993). La protection de zones urbaines à vocation agricole constitue donc un enjeu important.
Le climat
Une différenciation climatique peut être établie selon la zone géographique : Afrique tropicalo-équatoriale (longue saison humide) et Afrique soudanosahélienne (longue saison sèche). La contrainte climatique majeure est la concentration et l’intensité des pluies pendant quatre à six mois de l’année. Ces pluies occasionnent des dégâts physiques (inondations, érosions, destruction des pépinières) et parasitaires (maladies fongiques et bactériennes particulièrement) importants (Moustier et Essang, 1996). Par ailleurs, en fin de saison sèche, les cultures et les pépinières souffrent du manque d’eau. Ces contraintes, qui empêchent une mise en valeur permanente des parcelles, peuvent être levées, d’une part, en ayant recours à l’irrigation, d’autre part, en utilisant des abris et un paillage en saison des pluies ou encore en choisissant, quand cela est possible, des terrains non inondables. Ces terrains sont plus disponibles en zone périurbaine qu’en ville. En saison sèche, seuls les cultivateurs de plein champ disposant de terrains près de cours d’eau ont recours à l’arrosage compte tenu de la force de travail qu’il requiert (rareté des équipements d’irrigation). Ces contraintes naturelles expliquent en grande partie la saisonnalité de l’approvisionnement urbain et la nature des légumes urbains.
L’Afrique tropicale se caractérise par une forte production de légumes-feuilles en plein champ pendant la saison des pluies, tandis que les jardins maraîchers de saison sèche avec une production de légumes tempérés (carottes, tomates, aubergines) sont caractéristiques de l’Afrique sahélienne.
L’accès aux intrants
Dans la quasi-totalité des pays étudiés, il n’existe pas de systèmes performants d’approvisionnement en intrants et en équipements maraîchers (semences améliorées, engrais, pesticides, petit matériel agricole). Nombreux sont les producteurs qui se plaignent de la cherté des intrants. L’approvisionnement est assuré principalement par l’intermédiaire de projets ou par des boutiques de vente d’autres produits (notamment les supermarchés) et ce, de manière discontinue (Jansen et al., 1994 ; Moustier et David, 1997 ; Kintomo et al., 1999). A Dakar, ce problème est fortement atténué par l’existence de sociétés spécialisées dans la production de semences et d’intrants et par un réseau de revendeurs spécialisés dans la fourniture de produits et de matériels agricoles.
La matière organique utilisée par le maraîchage urbain provient de divers types de déchets urbains (ordures ménagères, drêches de brasserie, déchets d’abattoirs, déchets halieutiques, coques d’arachide), du fumier des élevages périurbains (fientes de volailles, fèces des petits ruminants), des terreaux et des composts divers. Les activités de production, de collecte et de distribution de déchets organiques font vivre un grand nombre d’artisans. Outre les problèmes liés à la valorisation des ordures ménagères et des déchets industriels (triage, risques pour l’environnement et la santé humaine), les maraîchers sont confrontés à des problèmes de disponibilité (quantité, régularité) et de coût (transport) et à un manque d’information sur les doses et les mélanges nécessaires à un bon équilibre de la matière organique utilisée. La maîtrise de l’approvisionnement en intrants constitue l’un des facteurs clés de l’intensification.
La pression parasitaire
La pression parasitaire est une contrainte importante pour les maraîchers périurbains, particulièrement pendant la saison des pluies (Jansen et al., 1994 ; Moustier, 1995a ; Moustier, 1995b ; Moustier et Essang, 1996 ; Gockowski, 1999). Les maladies prédominent pendant la saison des pluies, alors qu’en saison sèche ce sont les insectes phytophages qui deviennent préoccupants. Certains parasites tendent à devenir endémiques (nématodes, teignes, viroses, cochenilles). L’intensité des dégâts occasionnés dépend largement de la capacité des maraîchers à maîtriser les techniques de lutte : les connaissances sur les méthodes de lutte, les ravageurs et les maladies sont généralement limitées.
La caractérisation des systèmes de culture
Les systèmes de cultures peuvent être caractérisés par les variables classiques que sont le calendrier cultural, les rotations culturales et l’itinéraire tech-nique, mais aussi et surtout par leur mode de gestion de la fertilité (jachère, crue, fumure organique, engrais minéral).
Le calendrier cultural
L’analyse du calendrier cultural, couplé au calendrier de trésorerie des producteurs, permet d’expliquer en partie les phénomènes de pénurie, tantôt en saison sèche (pour les légumes locaux), tantôt en saison humide (pour les légumes tempérés). Certaines adaptations du calendrier cultural répondent à la pression foncière par la répétition de cycles culturaux. On peut se reporter aux calendriers culturaux observés à Brazzaville, Bissau et Bangui.
A Bangui, sur les terrains de polyculture vivrière situés autour de la ville, pour des raisons avant tout alimentaires, le producteur combine sur son champ vivrier plusieurs cycles de manioc décalés dans le temps (David, 1992). Le cycle agricole commence en janvier, en saison sèche, par la défriche d’un hectare environ. Les terrains sont emblavés en légumes et maïs après les pluies de mars. Le bouturage du manioc a lieu en juillet-août. Le producteur associe trois variétés de manioc — une de six mois, une de dix mois et une d’un an — afin d’étaler les récoltes. Les feuilles des trois variétés sont vendues sur les marchés. La principale période de récolte des légumes va de mai à août. Les agriculteurs bénéficiant d’un terrain situé le long d’un cours d’eau cultivent des légumes en saison sèche, cette fois en monoculture. Aucun intrant n’est apporté aux cultures. En ville, les jardins urbains combinent toute une gamme de légumes selon la longueur de leur cycle, leur degré de risque à la production et à la vente. Les jardins sont toutefois dominés par la tomate et les légumes de type tempéré, qui représentent le tiers des planches. Les semences des légumes tempérés sont achetées alors que celles des légumes locaux sont produites par les maraîchers. Plus de 80 % d’entre eux utilisent des engrais, du fumier et des pesticides et arrosent systématiquement leurs planches, ce qui permet une culture de saison sèche. En saison des pluies, les cultures sont fortement exposées aux dégâts physiques et phytosanitaires liés aux précipitations.
A Bissau, la grande saison maraîchère se situe pendant la saison sèche (David et Moustier, 1993). Les maraîchères travaillent à leur jardin, aménagé aux marges de bas-fonds, d’octobre-novembre à avril-mai, soit six à sept mois. La surface moyenne cultivée est de 500 m2. Les premiers légumes cultivés sont le plus souvent des légumes locaux, du fait de leurs besoins en eau plus élevés et de leurs cycles plus courts — oseille de Guinée, gombo, aubergine amère, piment. Les légumes tempérés ne viennent qu’ensuite : tomate, oignon vert, laitue, chou pommé. Ces produits assurent une rentrée d’argent