La gestion concertée et durable des filières animales urbaines Préc.

Abdou Fall, Maty Ba Diao, Denis Bastianelli, Aimé Nianogo



Pour l’agriculture urbaine, l’élevage constitue souvent le secteur le mieux représenté après le maraîchage. Cette activité se maintient ou se développe dans les centres urbains ou à proximité, en se satisfaisant du peu d’espace disponible. Elle est marquée par une certaine évolution et par une situation multiforme des techniques, des spéculations et des structures d’exploitation. A côté des éleveurs traditionnels, on retrouve dans l’espace périurbain des citadins éduqués (commerçants, fonctionnaires), souvent porteurs de changements, disposant de capitaux qu’ils investissent dans l’agriculture.

Or, cette cohabitation entre l’élevage et la ville et les spécificités structurelles et fonctionnelles de l’élevage en milieu urbain posent de véritables questions de recherche-développement : importance économique de cette activité, rôle dans la constitution des revenus des familles urbaines et dans leur intégration sociale, productivité des animaux compte tenu des contraintes d’espace et d’un meilleur accès aux intrants et aux services de proximité, effets du confinement des animaux sur leur santé, notamment l’augmentation du risque parasitaire, effets de la promiscuité de l’homme et de l’animal sur la situation épidémiologique urbaine (zoonoses), impact de cet élevage dans l’environnement urbain avec la détermination d’indicateurs de nuisance et l’évaluation du rôle des animaux dans l’assainissement des villes et le transfert de fertilité vers les productions végétales.

La problématique est donc de gérer l’élevage urbain dans la concertation et la durée, pour qu’il approvisionne mieux les villes et procure un revenu régulier aux citadins qui le pratiquent, tout en préservant l’environnement. Cette problématique doit intégrer de manière interdisciplinaire les facteurs techniques, socio-économiques et écologiques (Moustier, 1999).

Ce chapitre vise à préparer les lecteurs à la pluralité des approches des filières animales et à la complexité des dynamiques qui s’y rattachent. Ilcomprend trois parties : définition des enjeux, impacts, contraintes et atouts de l’élevage en milieu urbain ; présentation et discussion des principaux outils utilisés dans l’analyse des systèmes et filières de production animale ; réflexion sur les voies d’amélioration de l’élevage en milieu urbain, en particulier les aspects orientés vers la recherche-développement.

Les enjeux et les impacts
du développement des productions
animales en zone urbaine

Les enjeux

Le développement des villes ne s’est pas accompagné de la marginalisation des activités d’élevage dans les espaces urbains et périurbains en Afrique de l’Ouest. Au contraire, on constate une expansion de l’élevage de bovins, d’ovins et de volailles en zone urbaine et périurbaine à la faveur de la croissance des villes. En effet, le développement des filières avicole et laitière autour des grandes villes africaines a été remarquable au cours des dernières décennies. L’urbanisation et les problèmes qu’elle pose pour l’entretien des animaux n’ont pas dissuadé les citadins des villes africaines d’élever des animaux dans leurs maisons, l’élevage des moutons à Dakar en est un exemple parfait. Cette dynamique reflète les multiples bénéfices liés aux filières animales urbaines, notamment la formation de revenus, la création d’emploi, l’approvisionnement des villes, la sécurité alimentaire et l’amélioration de l’environnement et du cadre de vie. Malgré cela, la légitimité urbaine de l’élevage reste encore à conquérir pour amener les gestionnaires politiques à prendre en compte les activités d’élevage dans la planification urbaine.

Les activités de production, de transformation et de commercialisation dans les filières d’élevage urbain offrent des possibilités d’emploi pour une part importante de la population en situation de chômage chronique et de ruraux en migration saisonnière. L’un des enjeux des productions animales urbaines est de fournir un revenu aux multiples acteurs qui interviennent dans ces filières, en particulier les pauvres des villes et des campagnes, qui peuvent grâce à ces activités assurer leurs moyens d’existence et leur bien-être social. Enfin, les filières animales urbaines intensives représentent une forme d’épargne lorsqu’elles sont menées à petite échelle. Elles constituent aussi une véritable opportunité d’investissement et de création de richesse pour certains opérateurs économiques des villes qui ont accumulé un capital financier dans d’autres secteurs économiques.Des quantités appréciables de produits alimentaires d’origine animale (viande, lait et dérivés, œufs) de haute valeur nutritive sont issues des filières animales urbaines. Ces produits sont destinés à l’autoconsommation chez les exploitants et à l’approvisionnement des villes. Les systèmes d’élevage urbain participent de manière significative à la satisfaction d’une demande accrue en produits d’origine animale déterminée par la forte croissance démographique, l’urbanisation accélérée et l’augmentation des revenus dans les villes.

La gestion des déchets constitue un sérieux défi pour les gestionnaires et les habitants des villes. L’assainissement des villes par la valorisation des déchets domestiques pour l’alimentation animale constitue avec les loisirs deux fonctions spécifiques de l’élevage qui participent à l’amélioration du cadre de vie dans les espaces urbains.

Les impacts

L’impact des filières animales urbaines peut être positif ou négatif. Dans le domaine des effets bénéfiques, outre les fonctions productives (formation de revenus, création d’emplois, sécurité alimentaire) et non productives (assainissement, loisirs) déjà mentionnées, les formes intensives de production animale dans les espaces urbains et périurbains sont plus efficientes en matière d’utilisation des ressources et plus productives que les productions rurales. Elles limitent ainsi la pression sur les ressources naturelles qui seraient nécessaires pour satisfaire la demande en produits animaux à partir des systèmes extensifs. De plus, ces systèmes intensifs, fondés sur une alimentation concentrée, sont moins polluants pour l’atmosphère car ils produisent moins de méthane que les systèmes extensifs utilisant plus de fourrages grossiers. Ils reposent souvent sur la production de fourrages, qui augmente la quantité de matière organique susceptible d’être recyclée pour maintenir et restaurer la fertilité des sols dans les espaces périurbains.

Les impacts négatifs de l’élevage urbain sont les plus visibles et suscitent souvent une perception défavorable de la part des habitants de la ville. Il s’agit essentiellement :

– des nuisances causées par les animaux (bruits, accidents) et leurs déjections (odeurs) ;

– la concentration des déchets animaux, qui polluent les eaux de surface et favorisent la contamination des eaux souterraines ;

– les risques sanitaires pour les producteurs et la population consommatrice de produits animaux potentiellement contaminés par des agents pathogènes (risque plus grand de zoonoses) ou par des métaux lourds ;

– la divagation des animaux, qui peut engendrer une dégradation des espaces verts dans les villes.

Les contraintes

• Le manque d’espace. Les filières animales urbaines se situent dans des espaces où elles sont en concurrence avec l’usage des terres pour l’habitat. La contrainte foncière qui caractérise ces espaces conduit à des systèmes de production fondés essentiellement sur le confinement des animaux dans des habitats exigus, favorables au développement d’une pathologie microbienne et parasitaire spécifique. Ce manque d’espace s’oppose aussi à la production fourragère indispensable à une production animale améliorée.

• Le coût de l’eau. Dans bien des cas — dans les Niayes de la zone de Dakar au Sénégal, par exemple — l’eau est devenue une denrée rare en raison de sa surexploitation et de la sécheresse, ce qui en fait un facteur de production relativement cher pour des activités agricoles.

• Le coût des intrants. La cherté des intrants (aliments, médicaments et autres produits vétérinaires) se traduit par des coûts de production élevés, qui affectent la rentabilité et la reproductibilité de certains élevages. Les fourrages valorisés dans les élevages urbains et périurbains proviennent essentiellement des zones rurales et les coûts de transport en font des facteurs de production peu accessibles. Une bonne partie des aliments concentrés est importée et les produits locaux susceptibles d’être valorisés dans les filières animales urbaines trouvent des possibilités d’exportation qui augmentent leur coût d’opportunité.

• La concurrence des produits importés. La contrainte majeure des filières animales urbaines est sa compétitivité par rapport aux importations (voir les encadrés p. 119) ; du fait de leur offre saisonnière, les produits provenant du milieu rural sont plutôt complémentaires de ceux des filières urbaines. Trois facteurs déterminent la compétitivité des produits : leurs coûts de production, leur qualité hygiénique, leur acceptabilité par les consommateurs. Les coûts élevés des facteurs de production essentiels (aliments, eau, intrants vétérinaires, équipements) et les mesures sur les importations font que les produits importés, comme le lait, sont relativement plus accessibles que les produits locaux. Ils bénéficient, de plus, de garanties hygiéniques, appréciées par les consommateurs.

• Les risques liés à l’utilisation des médicaments. En milieu urbain, les intrants vétérinaires sont distribués dans un contexte non normalisé, peu soucieux des risques pour la santé publique. Les règles d’utilisation des médicaments, en particulier les délais avant la consommation des produits, sont rarement respectées. La proximité entre les unités de production périurbaines et les marchés de consommation aggrave cette situation. Dans ce domaine, les produits ruraux sont considérés comme plus sains que les produits urbains.

Compétitivité des filières animales urbaines : le cas du lait au Sénégal

La fiscalité des produits laitiers importés a connu des évolutions importantes pour la filière. Tous les produits laitiers importés font l’objet d’une taxation douanière, qui contribue à hausser leur prix final. Ainsi, jusqu’en 1994, la principale taxe appliquée sur les produits laitiers était la valeur mercuriale ou la « mercuriale sociale », dont le montant variait avec le type de produit. Pour le lait en poudre, son montant était de 60 FCfa/kg. Elle a été supprimée en 1994 et remplacée par une taxe valeur facture Caf (coût assurance fret) de 29,6 %. Cette réforme de la fiscalité des produits laitiers a eu pour conséquence une augmentation de 14 % des frais de dédouanement et une hausse substantielle du prix final. Ce prix s’est aussi trouvé majoré, en 1994, du fait de la dévaluation du franc Cfa, ce qui semblait favorable à la production laitière locale. Cependant, depuis 1999, la tarification douanière a été modifiée suivant les dispositions arrêtées par l’Uemoa (Union économique et monétaire ouest-africaine). Le système harmonisé mis en place distingue deux catégories d’acteur : les importateurs ordinaires (les particuliers) et les industries de transformation. Les premiers doivent s’acquitter d’une taxe de 26 % environ contre 5 % pour les industriels. Les produits laitiers issus de la transformation de la poudre de lait importée par les industriels de Dakar deviennent relativement moins chers que ceux provenant des fermes laitières de la zone de Dakar. En se référant aux avantages accordés aux producteurs européens dans le cadre de la Politique agricole commune, une taxe d’au moins 30 % devrait être appliquée sur tout produit laitier étranger importé pour une consommation finale afin d’augmenter directement la compétitivité du lait local.

Compétitivité des filières animales urbaines :
le cas des produits avicoles au Sénégal

Jusqu’en 1998, les prix relativement élevés des produits avicoles sur le marché sénégalais s’expliquaient par la protection tarifaire. Mais les droits de douane, qui étaient de 55 % avant avril 1998, sont passés à 30 % pour se stabiliser à 25 % en 1999 puis à 20 % en 2000. Pour le poulet de chair sénégalais, la concurrence internationale risque de rester très forte dans un contexte où les morceaux de découpe provenant des Etats-Unis, d’Europe et du Brésil sont très bon marché. (Cheikh Ly, Eismv, comm. pers.)

Les atouts de l’élevage urbain

Comme toutes les autres activités agricoles dans les espaces urbains, les filières animales présentent des avantages liés à leur proximité par rapport à la ville, notamment :

– des infrastructures routières favorables à l’accès aux intrants et à l’écoulement des produits vers un marché plus rémunérateur ;

– la proximité du marché, la facilité d’écoulement permettant de raccourcir le circuit de commercialisation (et donc d’augmenter les marges) ;

– un accès plus facile aux services d’appui (services vétérinaires, services de maintenance, crédit, formation, recherche) ;

– une meilleure disponibilité des intrants locaux ou importés ;

– un accès à l’électricité ;

– de meilleures possibilités de transformation.La localisation des activités de productions animales en zone intra ou périurbaine leur confère des avantages, mais présente aussi des inconvénients (tableau 8).

Tableau 8. Avantages et contraintes de l’élevage en milieux intra et périurbain.

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La caractérisation des filières animales

Dans la phase de planification d’actions de recherche ou de développement sur l’agriculture urbaine, les responsables ont besoin d’informations sur les producteurs, leurs conditions de travail, leurs pratiques en matière de culture et d’élevage, les contraintes auxquelles ils doivent faire face ainsi que leur potentiel de développement. A cette fin, l’approche utilisée doit permettre de recueillir et d’analyser des informations, d’identifier les solutions applicables et de fixer les priorités de la recherche-développement. Les concepts de système de production ou de filière correspondent chacun à une échelle et à un niveau d’analyse particuliers au sein de l’approche systémique.

Les exploitations agricoles ne sont ni isolées les unes des autres, ni isolées de l’environnement socio-économique lié au type de produit qu’elles élaborent. Les modalités d’approvisionnement en intrants, les débouchés des produits, les éventuels concurrents industriels, les structures d’encadrement des exploitations, tout cela constitue un réseau, avec ses relations et ses flux. L’étude de filière permet de définir les contraintes et les atouts que les éleveurs doivent prendre en compte, ainsi que le champ des possibles. La caractérisation des systèmes de production permet d’analyser les possibilités de développement, ou de meilleure reproductibilité, des élevages et les conditions d’une meilleure adéquation entre les élevages et le reste de la filière.Dans ce chapitre, nous croisons donc deux démarches : une démarche verticale de type filière pour étudier les relations entre les différents acteurs autour d’un même produit (l’exemple de la filière avicole au Burkina sera analysé) et une démarche transversale d’analyse des systèmes de production.

Les concepts

Le concept de système d’élevage

La caractérisation de l’exploitation des animaux repose sur la description du système d’élevage. Ces deux termes définissent « l’ensemble des techniques et des pratiques mises en œuvre par une communauté pour exploiter dans un espace donné des ressources végétales par des animaux dans des conditions compatibles avec ses objectifs et avec les conditions du milieu » (Lhoste, 1986).

Le système d’élevage inclut donc les animaux (espèces, races, catégories), l’espace (hors sol ou non et sa gestion) et l’éleveur (motivations, stratégies, caractéristiques socio-économiques). Il s’intègre dans la notion plus large de système de production agricole.

Un système de production agricole est défini comme « un ensemble structuré de moyens de production (travail, terre, équipement) combinés entre eux pour assurer une production végétale et/ou animale en vue de satisfaire les objectifs et besoins de l’exploitant (ou du chef de l’unité de production) et de sa famille » (Jouve, 1992).

L’analyse des systèmes de production s’appuie fréquemment sur la typologie, définie comme « un groupement des systèmes de production qui ont un fonctionnement identique, c’est-à-dire une similitude d’objectifs, de stratégies et de facteurs limitants ».

La typologie des systèmes d’élevage urbain se fonde sur la description des exploitations à l’aide d’un certain nombre de critères, qui varient largement en fonction du système étudié mais peuvent se regrouper en quelques grandes catégories (voir l’encadré ci-dessous).

 

Typologie des systèmes d’élevage : critères de description

• L’exploitation

Caractéristiques structurelles de l’exploitation :

– surface, accès à l’eau, à l’électricité, utilisation de l’espace ;

– bâtiments, matériels d’élevage ;

– distance par rapport au marché ou aux axes de communication ;

– main-d’œuvre familiale et salariée.

Degré d’intégration de l’exploitation :

– le système de production est uniquement animal ;

– le système comprend des productions animales et végétales. Ces dernières sont déconnectées du point de vue technique mais peuvent être liées du point de vue du partage des ressources (en temps, en investissement) et des revenus ;

– le système comprend des productions animales et végétales. Celles-ci sont en interaction technique et économique : flux de matière et d’argent entre ces productions ; compétition ou complémentarité pour l’utilisation de l’espace, du capital, de la main-d’œuvre . . . les modalités de l’équilibre entre les productions peuvent être très variables ;

– il y a presque uniquement des végétaux, les productions animales sont très marginales.

Spécialisation des productions animales :

– il y a un seul type de productions animales ;

– il y a plusieurs types de productions, complémentaires ou en concurrence (pour les ressources).

• Les animaux

Ateliers de production animale :

– nombre d’ateliers ;

– types de production.

Caractéristiques des animaux :

– espèces, races ;

– effectif.

Conduite des animaux :

– systèmes d’alimentation, de conduite sanitaire ;

– pratiques d’achat, de vente.

• L’éleveur

Description socio-économique :

– âge, niveau d’études de l’éleveur ;

– famille : composition, activités ;

– origine : citadine ou rurale ;

– ethnie.

Activités :

– agricoles ;

– autres ;

– présence sur l’exploitation.

La typologie des systèmes d’élevage est un préalable à leur étude mais constitue rarement une fin en soi. Elle peut ensuite servir de base à des recherches plus poussées concernant le fonctionnement et les performances techniques et économiques des différents types identifiés, l’évolution des exploitations à partir des trajectoires observées, la pérennité des exploitations et les moyens d’action pour améliorer certains systèmes. Ce système de classification est illustré par l’étude de cas sur la typologie des élevages avicoles périurbains au Sénégal (p. 123). D’autres critères, le revenu par exemple, peuvent être utilisés pour caractériser la consommation en milieu urbain (voir les études de cas sur la consommation de viande, de lait et de produits laitiers, à Dakar, et sur la filière de production d’œufs, à Ouagadougou, p. 124-128).

La typologie des élevages avicoles
périurbains au Sénégal

L’exemple des élevages avicoles périurbains au Sénégal (Arbelot et al., 1997) illustre l’élaboration d’une typologie. La typologie est une étape importante dans l’analyse des systèmes de production. Elle doit permettre par la suite d’analyser le fonctionnement et les performances des différents types d’élevage, de choisir des modes d’intervention appropriés et de suivre les conséquences des interventions sur l’évolution des systèmes d’élevage.

La typologie des exploitations avicoles a été réalisée sur un échantillon de 174 élevages : 33 en zone intra-urbaine et 141 en zone périurbaine (exploitations le long des axes routiers partant de Dakar sur un rayon de 50 km). Les critères définis pour décrire les élevages sont indiqués dans le tableau 9. A partir de variables continues (âge de l’exploitation, surface), des classes ont été constituées de façon à avoir des effectifs de classe de même ordre de grandeur.

L’analyse factorielle des correspondances multiples et la classification hiérarchique ascendante sur les variables qualitatives ont permis d’identifier trois grands groupes d’aviculteurs, qui sont ensuite décrits sur la base de leurs caractéristiques communes (tableau 10).

Tableau 9. Définition des variables décrivant les élevages, d’après Arbelot et al. (1997).

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Tableau 10. Caractéristiques des groupes d’aviculteurs et trajectoires, d’après Arbelot et al. (1997).

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La consommation de viande à Dakar

L’objectif principal de cet exemple (Mankor, 1999) est d’étudier les facteurs qui influencent la demande en viande à Dakar. Il part de l’hypothèse que les revenus des consommateurs, les prix des produits, la pression urbaine et les préférences en fonction des usages jouent un rôle majeur dans la demande en viande.

L’étude s’appuie sur une enquête menée en deux temps. Dans un premier temps, des entretiens exploratoires (30 entretiens ouverts avec des ménagères et des groupes restreints aux points de vente) ont permis d’identifier les principaux types de viande consommée à Dakar, les canaux d’approvisionnement, les intervenants terminaux de la filière et leurs r ôles respectifs, les plats associés à la viande et les occasions dans lesquelles elle est consommée. Les informations recueillies à partir de ces entretiens ont servi de base à une enquête structurée auprès de 157 ménagères, choisies au hasard dans des quartiers représentatifs a priori de la diversité des situations socio-économiques. Cinq types de quartier ont été distingués

en fonction de la catégorie de logement : les quartiers résidentiels à hauts revenus ; les quartiers résidentiels à revenus intermédiaires ; les grands quartiers populaires à revenus très diversifiés ; les villages traditionnels ; les quartiers populaires défavorisés. Le bœuf est la viande la plus consommée en situation ordinaire (tableau 11). Par rapport aux autres viandes, elle est moins chère, plus facile à trouver, plus sûre sur le plan sanitaire, facile à partager, moins susceptible de perte à la cuisson, mieux adaptée aux nombreux convives. Le mouton est surtout destiné à la consommation individuelle hors du domicile, dans les restaurants, dibiterie et borom bol. C’est la viande préférée des consommateurs car elle est plus savou-reuse mais plus chère. Le poulet est privilégié pendant les fêtes de fin d’année, les fêtes chrétiennes, les week-ends et pour les réceptions.

Tableau 11. Fréquence (%) de la consommation de viande à Dakar selon le quartier, d’après Mankor (1999).

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La consommation de lait et de produits laitiers à Dakar

Cette étude (El Ketrouci, 1993) sur la consommation du lait à Dakar a pour objectifs de saisir la manière dont sont perçus les différents types de lait (lait local et lait reconstitué), de connaître les préférences des consommateurs ainsi que les habitudes et les fréquences de consommation et de déterminer les quantités consommées. Les enquêtes ont été menées dans quatre quartiers, qui se distinguent par les revenus et l’habitat : Sacré-Cœur, quartier de grand standing ; Gueule-Tapée, quartier traditionnel avec des habitudes urbaines et un habitat diversifié (dur, baraque) ; Grand-Yoff, quartier semi-urbain, à l’habitat diversifié et à forte densité démographique ; Pikine, quartier à forte croissance démographique.

Le lait en poudre est largement consommé dans les trois quartiers populaires Gueule-Tapée, Pikine et Grand-Yoff (tableau 12). En revanche, à Sacré-Cœur, où les revenus sont plus élevés, les habitants consomment moins de poudre de lait et plus de lait frais et de produits laitiers comme le yaourt et le fromage. La consommation du lait caillé reconstitué est forte dans les quartiers populaires mais nulle à Sacré-Cœur.

Tableau 12. Pourcentage de ménages consommant tous les jours des produits laitiers, d’après El Ketrouci (1993).

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La filière de production d’œufs à Ouagadougou

L’exemple de la filière de production d’œufs à Ouagadougou montre comment on peut aborder les différents aspects d’une filière de production animale en milieu urbain : description des maillons de la production (technotecture) et étude des acteurs sur le marché (mercatecture) et de leurs relations. L’approche choisie pour analyser la filière comprend une description des circuits (opérations techniques), des acteurs (typologie) et des échanges.

On identifie d’abord les fonctions existant dans la filière puis les acteurs, qui peuvent remplir plusieurs fonctions complémentaires (ou contradictoires!). On distingue trois types de producteur : les éleveurs petits et moyens, peu professionnels ; les éleveurs moyens, relativement professionnels ; les éleveurs moyens ou gros, professionnels. De même, on identifie plusieurs types de revendeur : les gros revendeurs ; les revendeurs moyens ; les supermarchés ; les détaillants et kiosques ; les éleveurs pratiquant la vente directe ; les vendeurs d’œufs bouillis. L’amont de la filière est plus simple dans la mesure où les fournisseurs d’intrants sont en situation de monopole ou d’oligopole. Les intrants vétérinaires et certains services sont assurés par une structure interprofessionnelle. La figure 3 présente les relations entre acteurs dans la filière des gros producteurs.

L’analyse socio-économique de la filière comprend trois volets :

– une analyse comptable : calcul des coûts de production et de commercialisation aux différents maillons et selon le type d’acteur (catégorie d’éleveur, catégorie de revendeur) puis étude de la répartition de la valeur ajoutée le long de la filière dans les différentes configurations de circuits de vente identifiées. Le tableau 13 donne une idée des coûts et des revenus par type d’exploitation ;

– une analyse de la situation actuelle en termes de rapports de force entre acteurs et éventuelles asymétries d’information ;

– une étude prospective de l’évolution de la filière : utilisation de statistiques, d’enquêtes (souhaits d’évolution).

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Figure 3. Schéma de la filière avicole à Ouagadougou (Bastianelli, 1999).

Tableau 13. Coûts et revenus des différents types d’exploitation, d’après Bastianelli (1999).

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On peut tirer de cette étude quelques conclusions générales. La demande en œufs est porteuse et ne crée pas de concurrence horizontale forte entre les producteurs. Le fait qu’il y ait relativement peu de revendeurs contribue à réguler le marché : la tromperie sur la qualité, qui pourrait apparaître sur un marché urbain peu réglementé, est inexistante car les vendeurs d’œufs de mauvaise qualité seraient rapidement identifiés et disqualifiés dans ce marché relativement fermé.

Il existe plusieurs types de producteur et de revendeur, et donc plusieurs souscircuits de commercialisation, avec une prédominance de gros producteurs — gros revendeur (assurance d’écoulement) et producteur moyen — et reven-

deurs moyens (maximisation du profit ou difficultés d’approvisionnement et d’écoulement), avec quelques opérateurs ayant des stratégies atypiques (intégration des deux maillons par la vente directe, par exemple). La figure 3 montre les liaisons qui peuvent exister entre les acteurs au sein de la filière des gros producteurs.

Le partage de la valeur ajoutée est relativement équitable, avec une bonne rémunération des producteurs, ce qui montre que le rapport de force leur est globalement favorable.

Pour analyser les rapports de force, l’hypothèse utilisée est celle qui s’attache au risque lié au caractère périssable du produit (risque de pertes) et, à l’opposé, à l’intérêt qu’il y a à prendre une part importante du marché (concurrence douce). Le caractère périssable des produits incite les acteurs à établir des relations de confiance entre production et commerce. Plus les volumes sont élevés, plus ces relations confinent au contrat implicite ou explicite car les risques sont importants.

 

Deux exploitations visitées (voir les encadrés ci-dessous) dans la zone périurbaine de Dakar illustrent bien la diversité des situations. La première est spécialisée dans la production laitière intensive, la seconde comprend des productions animales (lait, poulet de chair, volaille de loisir, mouton) et végétales (maraîchage et arboriculture fruitière). L’une des caractéristiques principales de l’élevage périurbain est la fourniture de produits à cycles courts : lait, œufs, viande de volailles et de petits ruminants. Ces filières font l’objet depuis quelques années de nombreuses initiatives privées ou publiques. Elles utilisent beaucoup d’intrants et sont très monétarisées. Elles participent à des degrés divers à l’approvisionnement de la ville de Dakar en produits animaux.

 

Une ferme spécialisée en production laitière

Localisée dans la communauté rurale de Sangalkam à 40 km de Dakar, la ferme a été créée en 1995 et occupe une superficie de 5 ha. Elle comptait à ses débuts une cinquantaine de vaches laitières de race Jersey importées du Danemark, à présent elle abrite 400 vaches élevées pour la production intensive de lait. Le propriétaire est un homme d’affaires engagé dans les activités commerciales, le transport et le transit, mais demeure passionné par l’élevage comme bon nombre de citadins. Les investissements, importants, ont permis de construire une exploitation moderne, d’acheter un noyau de femelles laitières de race exotique et d’acquérir le matériel d’élevage : salle de traite, tracteur, ensileuse, etc. Cette exploitation se caractérise par son ouverture à l’innovation technique. La ration alimentaire est composée d’une association d’ensilage de fourrages cultivés (maïs et sorgho), de sous-produits de l’industrie (mélasse, drêche de brasserie, tourteaux d’arachide et de palmiste, graines de coton), de céréales (maïs, sorgho) et de concentré minéral et vitaminé (CMV). La méthode de reproduction est l’insémination artificielle. Le suivi sanitaire est permanent et le planning de vaccination, respecté. L’une des activités connexes de la production est la commercialisation du lait sous le label Saloum Sowe. Mais le lait local subit fortement la concurrence du lait en poudre importé, d’où des difficultés de commercialisation, surtout pendant la saison sèche

froide, période de forte production et de relativement faible consommation. Cette situation pose le problème de la rentabilisation des investissements lourds face à un marché non maîtrisé. Le recyclage de capitaux provenant des autres activités du propriétaire permet de soutenir le secteur laitier. Les performances techniques observées sont cependant tout à fait louables. Il serait possible de les améliorer encore par une gestion plus rigoureuse de l’alimentation des laitières, une bonne stratégie de réforme des mâles et des femelles non productives et une meilleure valorisation du fumier produit actuellement en quantité importante et non utilisé. Une laiterie est en construction pour transformer le lait en produits plus stables tels que le lait caillé et le yaourt. L’étalement de la production est également un objectif majeur.

Une exploitation mixte horticulture-élevage

D’une superficie de 3 ha, la ferme est localisée à 35 km de Dakar, dans le village de Noflaye, où un certain nombre d’exploitations traditionnelles ont été déclassées et ont rejoint le foncier bâti. Le propriétaire est un grand commis de l’Etat, qui a consenti un investissement relativement important dans le domaine des infrastructures : bâtiments d’élevage, logements du personnel, château d’eau avec réseau d’irrigation au goutte-à-goutte, groupe de motopompes. Un groupe électrogène permet l’électrification du domaine. La diversification des activités agricoles caractérise cette ferme. L’élevage est composé de bovins laitiers (une dizaine de têtes de races Pakistanaise, Jersey, Métisse ou Gobra), de moutons, de volailles (quelques poulets de chair, pondeuses, poules locales, canards, dindes, oies). Les chevaux et les ânes servent au transport. L’essentiel des arbres fruitiers est constitué de manguiers, de mandariniers, d’avocatiers, de corossoliers, de cocotiers, de kolatiers et de palmiers. Le maraîchage est, en revanche, une activité très marginale avec un peu d’aubergine, de tomate et de fraise. Les interactions entre les différentes activités d’élevage et d’horticulture sont à sens unique. L’utilisation de la fumure organique (fientes de volaille et fèces de moutons et de vaches) est permanente pour l’horticulture. En revanche, l’élevage n’est pas intégré dans le système de production. La totalité de l’alimentation des animaux (sous-produits agricoles et agro-industriels) est d’origine extérieure. Cependant, ces productions sont complémentaires pour le revenu et pour l’occupation de l’espace dans l’exploitation.

Le concept de filière

Il existe de nombreuses définitions du concept de filière, utilisées par différents auteurs en fonction de leurs besoins ou de leur problématique. Quelle que soit cette définition, elle repose sur trois éléments constitutifs déterminants (Morvan, 1985) : un espace de technologies (succession de transformations), un espace de relations (ensemble de relations commerciales et financières), un espace de stratégies (ensemble d’actions économiques).

Les systèmes d’élevage sont consommateurs d’intrants (aliments, médicaments, matériels, semences) et leurs produits peuvent être transformés avant d’atteindre les consommateurs. Dans ce contexte, les comportements et les stratégies des agents économiques concernés par un même produit (éleveurs et leurs partenaires en amont ou en aval) interagissent nécessairement.Comme le suggère la définition ci-dessus, la filière va être analysée en termes techniques, d’une part, et économiques, d’autre part. L’enchaînement des techniques utilisées constitue la technotecture de la filière. Au sens large, on va s’intéresser à l’utilisation des intrants, aux opérations techniques de l’élevage (qui peuvent être regroupées chez un même opérateur) et à l’aval : abattage et élaboration des produits jusqu’au marché. L’identification et la description des agents de l’économie liée au circuit du produit constituent la mercatecture.

Le concept de filière est un outil qui permet d’identifier les modes de coordination des échanges, l’efficacité des formes d’organisation des marchés et leur durabilité. Le fait d’isoler les relations techniques et économiques liées à un produit permet d’étudier divers aspects, dont nous donnons quelques exemples.

• Les comptes des acteurs impliqués dans cette filière. On peut ainsi voir le bénéfice financier qu’ils tirent de leur participation à la filière. En agrégeant l’information sur les acteurs, on peut étudier la répartition de la valeur ajoutée le long de la filière, ce qui fournit des indications sur la position relative des acteurs. Dans le contexte des productions animales, les producteurs sont souvent dominés par les acteurs du marché, sauf dans certains cas particuliers de sous-production chronique (voir l’étude sur la filière de production d’œufs à Ouagadougou, p. 126) ou conjoncturelle (augmentation de la demande au moment des fêtes).

• Les relations entre les agents : existence de formes de contractualisation explicite ou implicite entre les producteurs et l’aval. Ces contrats méritent souvent d’être étudiés car ils montrent bien les jeux de pouvoir entre les acteurs. Les produits périssables sont particulièrement concernés par ce type de relations puisque les producteurs peuvent accepter des conditions économiquement peu favorables mais qui limitent le risque de perte de produits.

• L’accès à l’information sur la production et sur les marchés. Les relations de pouvoir sont souvent renforcées par une asymétrie d’information, qui favorise les acteurs ayant une bonne connaissance du marché.

On voit que toute une série d’éclairages complémentaires, relevant de plusieurs disciplines, se combinent pour parvenir à décrire les filières. Selon l’objectif des études, technique ou économique, le dosage de chacune de ces approches sera différent.

Les filières animales en milieu périurbain se caractérisent généralement :

– par un niveau élevé d’intrants, notamment alimentaires, aux coûts élevés, voire parfois par un accès difficile à certains intrants (fourrages, sous-produits exportés) ;

– par un faible niveau de transformation et de conditionnement des produits ;

– par la prédominance de circuits de commercialisation courts ; les opérateurs sont rarement en situation monopolistique (ou oligopolistique) pour la

collecte des produits auprès des producteurs comme cela peut être le cas en milieu rural ;

– par une relative segmentation du marché (voir les exemples du marché du lait et de la viande à Dakar, p. 124-126) ;

– par le caractère spéculatif des productions animales « professionnelles » ;

– par une faible compétitivité, dans certains cas, des produits locaux (notamment le lait et les poulets de chair) par rapport aux produits importés ;

– par un niveau de consommation de produits animaux généralement faible (voir les études sur la consommation de viande et de lait à Dakar, p. 124-126).

Le contrôle des performances zootechniques
des élevages urbains et périurbains

L’analyse zootechnique des élevages n’est qu’une partie de l’analyse des systèmes d’élevage. Elle repose sur une évaluation chiffrée des performances du troupeau, qui permet de juger leur niveau par rapport à d’autres référentiels disponibles. Elle s’intéresse aussi aux effets des facteurs de variation des performances en vue de formuler des solutions pour leur amélioration. L’analyse zootechnique repose sur la définition, la mesure et l’interprétation de plusieurs variables.

Les principales variables zootechniques

Les performances animales dépendent du génotype des animaux, de leur environnement, du mode d’élevage, etc. Les différents paramètres concernent la reproduction, la viabilité, la croissance, la production laitière, le travail.

Les paramètres d’exploitation, à l’inverse, résultent directement de l’intervention humaine : prélèvements d’animaux, de lait, de fumier, de travail.

Les variables de conduite sont généralement qualitatives. Elles caractérisent le mode de conduite (stabulation, circuits de pâturage), le rôle socio-économique du bétail, le savoir-faire et les pratiques des éleveurs. Elles jouent un rôle explicatif.

Les variables exogènes influent fortement sur le système d’élevage : prix des animaux et des produits animaux, prix des intrants, variables climatologiques.

Les performances animales et les paramètres d’exploitation sont les variables à privilégier dans l’analyse zootechnique, car elles caractérisent le rendement général du système (Lhoste et al., 1993). Pour effectuer une analyse zootechnique, il faut choisir des variables appropriées, les évaluer à partir des données recueillies et établir des bilans. La précision des résultats dépend de la nature des variables et de la méthode de collecte des données.

Les méthodes de collecte des données

La recherche de l’information se déroule selon plusieurs étapes : la collecte et l’analyse des données acquises, les enquêtes informelles, les enquêtes formelles, le suivi zootechnique des troupeaux. Les tâches spécifiques accomplies lors d’une étape dépendent étroitement des résultats de l’étape précédente.

L’information acquise renseigne sur les caractéristiques générales de la zone : données socioculturelles, agroécologiques, agroéconomiques et agrobiologiques ; infrastructures matérielles et institutionnelles. Peu coûteuse, cette information provient des institutions régionales ou locales et des recherches ou projets de développement antérieurs. Il est absolument nécessaire d’évaluer de manière critique la fiabilité de cette information acquise.

Les enquêtes informelles viennent confirmer et compléter l’information acquise. Elles s’effectuent par observation directe sur le terrain et par entretien avec les informateurs clés (dirigeants, négociants locaux, responsables de projets) et les familles (sans questionnaire, mais avec une liste de contrôle) sur des thèmes qui évoluent au fur et à mesure que les connaissances du terrain s’accumulent.

Les enquêtes formelles, ou structurées, donnent une base quantitative aux conclusions tirées durant les premières phases. Elles peuvent également servir à redéfinir les groupes cibles (ou les domaines de recommandation) et à éprouver les hypothèses sur les relations. Ces enquêtes peuvent combiner une observation transversale instantanée, qui permet à l’enquêteur de faire une série d’observations pendant une courte période, et une observation rétrospective, fondée sur la mémoire de l’éleveur, qui permet de reconstituer l’histoire du troupeau, les carrières des femelles, etc.

Quel que soit le type d’enquête, il faut se poser les questions suivantes :

– Quel est l’objectif de l’enquête?

– Les types de données à recueillir sont-ils en adéquation avec cet objectif?

– Les méthodes de collecte sont-elles adaptées aux circonstances et au type de données recherchées?

– Les avantages de l’enquête en justifient-ils le coût?

Les enquêtes, quel que soit le soin apporté à leur réalisation, ne fournissent qu’une photographie plus ou moins détaillée de systèmes d’élevage souvent très complexes et en évolution permanente. Elles servent à situer le problème, mais ne sont jamais assez précises pour permettre de tirer des conclusions définitives concernant le fonctionnement d’un système d’élevage. Pour l’analyser en détail, il est indispensable de procéder à des suivis sur de longues périodes.

Le suivi individuel des troupeaux

Le suivi est un outil d’analyse des systèmes d’élevage complémentaire des enquêtes. Il permet :

– d’observer un système d’élevage, partiellement ou globalement, de comprendre son fonctionnement, pour éventuellement intervenir et l’améliorer ;

– de suivre les effets d’une intervention, par exemple étudier l’impact d’un programme de développement ;

– d’accompagner une expérimentation en conditions réelles d’élevage, par exemple, tester un traitement antihelminthique et en suivre les conséquences.

Le suivi peut être global et aboutir à une connaissance assez fine des systèmes d’élevage en suivant leur évolution sur plusieurs cycles. Il peut être partiel et ne s’intéresser qu’à un aspect du système d’élevage : la production laitière, la mortalité des jeunes, le niveau d’infestation glossinaire. Le suivi est une procédure exigeante. Le protocole doit être rigoureux et négocié en fonction des intérêts réciproques de l’éleveur et du technicien.

Pour le suivi en milieu urbain et périurbain, plusieurs facteurs doivent être considérés : le repérage des élevages en ville (souvent difficile) ; la distance entre les élevages ; la coopération des propriétaires ; la prise en charge des coûts et les avantages réciproques ; la conduite des troupeaux (gestion technique, valorisation des productions) ; la présence d’autres activités agricoles, commerçantes ou autres ; le niveau d’instruction des interlocuteurs ; l’importance des investissements (bâtiments, matériel).

Plusieurs logiciels informatiques ont été mis au point pour le suivi des troupeaux. Parmi les logiciels utilisés en Afrique, on peut citer :

– Panurge, conçu par le Cirad et l’Isra (Faugère et Faugère, 1993). C’est l’un des logiciels de gestion, d’analyse et d’interprétation de données zootechniques les plus connus en Afrique de l’Ouest francophone ;

– Laser, logiciel d’aide au suivi des élevages de ruminants, a été développé par le Cirad, pour remplacer Panurge. Il permet une saisie normalisée des données relatives au suivi de troupeaux (Juanès et Lancelot, 1999) ;

– Lims (livestock information management system), logiciel de gestion de données, a été mis au point par l’Ilri, International Livestock Research Institute (Ilri, 1992).

Il existe plusieurs méthodes et modèles statistiques pour analyser les données d’enquête ou de suivi de troupeaux. Il est impératif que les modes de dépouillement et de traitement des données soient précisés avant de lancer les enquêtes ou le suivi zootechnique. Il faut toujours s’attacher les services d’un biométricien, qui doit participer à la définition des objectifs et à la planification des activités.

Les voies d’amélioration

Il existe un certain nombre de freins et de limites au développement des productions animales en milieu périurbain et urbain, il est donc intéressant de voir quelles sont les voies d’amélioration de cette activité. Ces voies sont pour partie individuelles (stratégies d’évolution des exploitations d’élevage) et pour partie collectives (organisation et optimisation du contexte de l’activité).

Les objectifs de l’amélioration

Consolider l’impact positif

L’impact positif de la filière animale urbaine concerne aussi bien les éleveurs que la communauté urbaine en général. La filière animale procure aux producteurs un revenu, un emploi, un statut social, que ce soit une activité marginale (production de quelques animaux pour l’autoconsommation) ou l’activité principale du foyer. Les enjeux sont pour les éleveurs de sécuriser leur production et d’améliorer leurs conditions de vie ou d’activité : clarification du statut de l’élevage urbain, amélioration de l’efficacité technique, circuits de vente. Pour la communauté urbaine, la filière animale améliore la disponibilité en produits animaux — et donc en protéines de qualité. Elle génère aussi un chiffre d’affaire (emplois, activités). D’autres fonctions déjà évoquées, comme l’utilisation des déchets végétaux, peuvent être locale-ment significatives.

Minimiser les effets négatifs

La réduction des effets négatifs, réels ou supposés, de l’élevage — impact sur l’environnement,



14/06/2010
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